DE L’HUMANlSl\lE A LA RÉFORME. lil un barbarisme. Et quant à nos humanistes français, lyonnais surtout, ils nous dispensent de conjectures : ils ont la parole nette et le silence parfois plus expressif encore. Pour apprécier équitablement leur attitude, pour éviter ài la fois d’en amoindrir et d’en exagérer l’originalite, il faut reagir contre une illusion dont le lecteur moderne a peine ia. se défendre. On a beau être prévenu du contraire, on se · laisse toujours aller it se représenter, quand on parle de cette époque, le catholicisme et le protestantisme comme déja constitués en France. Rien n’est plus faux; il n’y avait pas chez nous, dans la première moitié du règne de Fran- V cois I", deux Églises en présence, deux relig·ions chrétiennes tlélinies et rivales. Il n’y avait même pas alors dans les ' esprits une nécessité évidente de prendre parti entre Rome et \Vittemberg. Et c’est ce qui explique chez nos lettrés, nos érudits et nos poètes du premier age de la Renaissance fra11- caise, tant d`audace a la fois et tant de candeur, une foule «le propositions hérétiques avec un si grand air d’innocence. Quelle est la pensée qui éclate dans tous ces petits recueils lyonnais, aussi bien d’ailleurs que dans toute la littérature _ franco—latine <le ces dix ou quinze années? C`est que le monde arrive a l’aurore des temps meilleurs, que la Renaissance a donné le sig·11al du~ réveil de`l’esprit humain, qu’il est libre désormais et que rien ne doit plus l’arrèter dans son joyeux essor ‘. . 4 · Et qu’cntende11t—ils par la Renaissance`?-Le retour au vrai latin et aux vrais classiques? Oui, sans doute, mais quelque chose de plus. Ce ne sont pas seulement les lettres qui relleu- rissent, c’est la pensée humaine; ce n’est pas de l’imagina— tion seule, c°est du fond de l`ame quejaillit cellot de jeu- nesse et d’espérance qui va tout renouveler; c’est l’l1omme _ tout entier qui secoue la poussière du moyen age. La religion n’est pas exclue (le cette loi de iajeunissement. Les lettres chrétiennes ont leur renaissance- en même temps que les 1. ·· Alaintcnnntcest chose cstrange que cculx qui ont lc moyen <l‘enIretenlr les bonnes letres et de soy baigner cs schzncrrs douces et humaines ne s`nmnsent qu'âi ehoscs legîères et de nulle conséquencc._¤ (P. 7, verso, des Devis de la langue h·ançru'.;e ei Jehannc rI’Alln·c¢ par Am.x1.,u.1e~, mm; de 0/mlm. ass, 1:.50, caractères de civilité.)
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