Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/71

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DE L’HUMANlSl\lE A LA REFORME. 53 de guerre, le mot de ralliement d’une secte; c`était bien mieux, pensaient-ils, — bien pis, pensera l’Eglise : c’était le résumé de toutes les réformes, c’était toute la Réforme. Mais, encore une fois, ils l’en1ploient sans hésiter, parce qu’ils n`y voient qn’un hommage au christianisme éternel et uni- versel. Qu’on les eût étonnés en les accusant d‘etre les enne- mis de l’Eglisc, des fauteurs du schisme, des complices de l’hérésie! Ils se sentent plus chrétiens que jamais, meilleurs catholiques que qui ce soit, par cela même qu`ils sont phi- losophes. Leur philosophie est un christianisme, et, a leur sens, le plus pur de tous. Ils agissent a la fois comme dis- . ciples de l’Évangile et comme disciples de la tradition clas- U sique en instituant ce commerce familier avec tous les grands esprits de tous les temps. Ils n’excommunient personne. Ce n’est pas par u11e sotte confusion des styles qu’ils rappro- client Platon et Virgile des patriarches, des apôtres et des Pères de l’Église. Ce n’est pas même 'une habileté littéraire. Il y a la un mouvement sincere, un élan spontané de libéra- lisme intellectuel et religieux. ` En raison mème de cette la1·geur d’esprit, ils ont peu d’inclination pour Luther. L’immense soulèvement qu`il vient de provoquer avec un fracas brutal n’est pas sans leur causer quelque anxiété. Mais ils ne croient pas avoir rien de commun avec ce moine en révolte, sauf ce qu’il a de com- . mun lui-même avec tous les bons esprits désireux depuis tant de siècles de voi1· l’Eglise « s`amender ». —Tous ces fervents disciples de la Renaissance ne sont ni des révolutionnaires, ni des novateurs, mais, comme ils se qualifient eux-mêmes, de pieux restaurateurs. Et d’où vien- drait le besoin , dc nouveautés? L’humanité a retrouvé l’Èvmzgile comme elle a retrouvé l’Iliade. Que lui faut-il de plus, sinon le temps de s’en pénétrer? Et quelle plus noble · ambition peut-on concevoir que de répandre a profusion les livres saints et les classiques? Les hommes de la Renaissance n`ont pas, ne veulent pas avoir une théologie, une philosophie ai eux, pas plus qu‘une rhétorique ou une poétique. Ils ne prétendent qu”à l’honneur de transmettre fidèlement le double dépôt sacré qu’ils ont reçu de l’antiquité. Aussi quelle ardeur