Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/88

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TO _ · SÉBASTIEN CASTELLION. la question fut tranchée par une intrigue de cour, et le fut au profit du pape. Le plus téméraire des chevaliers recula devant une fortune trop grande, il en eut peur. Il était de ceux ât qui il est plus facile de s’emporter contre l’Église jusqu`à la violence, que de s'en séparer de sang-froid. Le connaissant bien, ce fut par le piege le plus grossier que la plus fine des diplomaties résolut de le prendre et le prit; elle le détourna de la grande ambition pa1· la petite : le pape lui promit le Milanais, et il n’en fallut pas davantage pour qu'il oubliat tout le reste. Ce reve de jeunesse, qui lui était devenu douloureux et par la même plus cher, devait l’emporter dans une nature si passionnée sur les intérêts généraux. La suite est connue. Francois I", sans sien apercevoir, avait, pour gagner le pape, toutperdu au dehors et tout livré au dedans. ‘ La France 11`eut pas même le Milanais, elle eut Catherine de Médicis. Au dehors, Francois I" ne pouvait plus que rompre avec l’Angleterre immédiatement , avec les protestants d’Alle- Jmagne graduellement; ài peine lui restait-il l’appui des Turcs; et quel appui! Au dedans, allié du pape, il est le prisonnier du parti papal : il ne peut faire moins que de rivaliser de ' zèle catholique avec Charles—Quint. Le parti dont Duprat est l’instrument se hate de se saisir de la victoire, mais non de la faire éclater, faute commise précédemment et qu’il sait éviter cette fois : on ne heurte pas de front les projets inoffensifs de conciliation que caresse encore le roi. Peu importe qu’il écrive âiMelancl1ton, pourvu qu’en attendant il agisse ou laisse agir énergiquement contre les luthériens de Meaux, de Paris, de Grenoble, de Normandie ‘. C’est peu a peu qu’on l’amene ai un role qui, trop vite imposé, l`eùt peut—etre rejeté encore une fois dans le parti contrai·re,,car il y revenait chaque fois qu’on l’abandonnait a lui—mème. On commence par lui faire 1. Dans la- très intéressante étude de M. N. \Veiss sur Étienne Lccourt, curé de Condé-sur— Sarthe, un des protégés de Marguerite d`Alenç0n, convaincu de plusieurs hérésies semi-luthé riennes et brûlé a Rouen le 11 déc. 1533 (Bulletin de la Société d'/iisto1`7·e du protestantisme, juin 1387, p. 299-315), on trouve des détails très précis sur les difficultes que rencontrait le parti de l`lnquisitiou afaire poursuivre, même par les ecclésiastiques séculiers ou régu- liers, un hérétique assez modéré ou assez prudent pour ne pas donner prise a Fnccusation de blasphème. Il a fallu près de deux ans pour mener à bonne (in, c’est-à-dire jusqu'a la sentence capitale, la procédure contre Lecourt,