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bre de ses tours et de ses expressions qui sont véritablement siens, est essentiellement restreint ; certaines idées seules ont le monopole immémorial de s’exprimer sans le concours étranger. Or, quel est celui d’entre nous qui ne sent pas tous les jours l’impossibilité de traduire et même de rendre certaines phrases du vocabulaire wallon, soit en français, soit en allemand, phrases qui se donnent à sentir et non pas à entendre ? D’où leur viennent cette concision et cette énergie, qui ne trouvent d’équivalent nulle part, si ce n’est en elles-mêmes ?

Nous avons dit que le wallon ne se ressentit que peu ou point de la domination romaine ; mais à Dieu ne plaise que nous entendions par là repousser l’influence du latin sur notre idiome. Il y a une distinction à faire : c’est que les atteintes qu’il reçut ne vinrent pas de Rome guerrière, mais de Rome chrétienne et morte. C’est le latin des cloîtres qui a constamment battu en brèche te wallon. Des couvents commencèrent à s’élever dans notre contrée dès la fin du VIIe siècle. On n’y rompait le silence que pour faire entendre quelques phrases latines. C’était du latin barbare, si l’on veut, mais enfin c’était du latin. Le contact habituel et journalier du clergé avec le peuple dut considérablement affecter le langage de l’un et de l’autre ; et cela est si vrai, que le latin du moyen âge n’est pas, des deux langues, celle qui, peut-être, en fut le moins atteinte. L’action ou mieux la corruption fut réciproque. Mais, et c’est là que nous voulions en venir, elle ne fut pourtant pas tellement profonde, malgré ses mille ans de durée, qu’elle ait fait disparaître le wallon dans la lutte. Celui-ci ne fut pas supplanté ; ses formes et ses idées furent altérées, mais non perdues ; il y eut, si nous pouvons nous exprimer ainsi, adjonction d’idiome,