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César, nous étions déjà entourés de peuplades germaniques : et c’est de là sans doute que date notre instinctive antipathie, assez bien fondée comme on voit, pour ceux de nos voisins qui ne parlaient pas le wallon. Cette inimitié, qui a traversé les siècles, n’a d’autre source que la diversité des langues et ne prouve pas peu pour l’ancienneté de la nôtre. Or, avancer que nous ayons jamais parlé le flamand, c’est nous biffer d’un seul coup de la carte des peuples du monde ; c’est nous ôter notre langue, et nous confondre sans motif avec tous les peuples qui se plaisent à parler le tudesque ; en un mot, c’est nous réconcilier avec eux. Nous sommes trop bons fils pour renier ainsi nos ancêtres ; et comme ce César qui nous a fait tant de mal, nous aimons mieux être le premier sans la Germanie que de n’être rien avec elle.

Les Liégeois n’ont jamais parlé flamand, et nous tenons à honneur de prouver que nous sommes tout ce qu’il y a de plus wallon. Pour cela, nous citerons Tacite, qui constate que les Gaulois, dont nous faisions partie, n’ont jamais eu rien de commun avec les Germains ; ensuite, nous défions qui que ce soit de trouver un seul monument, une seule rue, une seule place de la vieille Cité ayant un nom qui sente le flamand ; jamais aucun livre, aucune loi n’y a été publié dans cet idiome. C’est uniquement dans Walter Scott[1] que l’on voit parler nos an-

  1. Dans son roman de Quentin Durward. Cette singulière opinion fit naître de longues discussions dans les journaux du temps. M. le baron de Reiffenberg, en homme connaissant l’histoire locale, se prononça contre dans ses Archives philologiques, t. III, p. 176 ; et parmi ceux qui se rangèrent du sentiment contraire, on compte les auteurs de L’Hermite en Belgique, t. I, p. 239.