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Aux saturnales qu’on célébrait à Liége plusieurs fois l’an au milieu du XIIe siècle, et qu’on nommait Fêtes de la Reine, le peuple, comme le clergé, dansait dans les rues et dans les temples, revêtu d’habillements grotesques, en s’accompagnant de chansons obscènes et au son de tambours et d’autres instruments[1].

Au XIIIe siècle, la chanson s’acquit chez nous une illustration puissante par le rôle que lui fit jouer la politique, car il y avait de la politique alors. Elle se fit l’expression de l’opinion publique dans les troubles qui eurent lieu après l’an 1250. Une foule de petits poèmes satiriques en wallon circulèrent dans le pays. Nos annales mentionnent surtout une paskeie (versus romanici) qui parut en 1259 sur la prise du château de Ste.-Walburge à Liége, composé et chantée par les habitants[2]. L’exemple une fois donné, il fut dorénavant suivi et se perpétua dans le peuple. En 1271, dit un manuscrit du XVIe siècle, il fut « faict une chanson touchant le violement que Henry de Gueldre, évesque de Liége, avoir faict à la jeune Berthe Desprez. » Ce prélat fut déposé par le pape Grégoire X, en 1274, au concile de Lyon. Nouveau scandale ; donc, nouvelle source de chansons. On accueillit cet événement, dit un chroniqueur[3], avec des « satyres, vadevilles et chansons diffamantes et bouffones. »

Ces poésies ne nous sont point parvenues. C’est une perte réelle et pour la langue et pour l’histoire. Il est à

  1. Gilles d’Orval, dans les Gest. Pent. Leod. Script., t. II, p. 98. — Fisen : Hist. Eccl. Leod., t. I, p. 237.
  2. Foullon : Hist. Episc. Leod., t. I, p. 357.
  3. Mélart : Hist. de la ville de Huy, liv. III, p. 157.