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effet dans une position géographique bien propre à donner du relief à notre idiome. Placé à l’extrême frontière nord de la langue d’Oil, et enveloppé en quelque sorte par les régions germaniques, l’influence de la domination romaine dut être extrêmement faible ; d’un autre côté, les hordes des étrangers, comme plus tard les Normands, passèrent semblables à un torrent, n’ayant qu’un but, de courir vers les contrées méridionales, sans laisser pour souvenir de leur invasion un seul mot de la langue qu’ils parlaient. Toutes ces causes réunies font que notre idiome doit différer et diffère effectivement des autres dialectes romans : et c’est ce qu’a reconnu un profond érudit[1], en disant que notre langue vulgaire est plus éloignée du latin que dans les provinces méridionales. Cette remarque était faite incidemment, et c’est fâcheux ; car s’il avait pu examiner les origines du wallon, il en aurait tiré des conclusions bien autrement fondées en faveur de son originalité[2].

Nous le répétons : notre idiome mérite des recherches philologiques plus approfondies que les nôtres. Un homme d’une érudition alliée à une grande sagacité qui les entreprendrait, serait assuré d’élever un monument précieux à la philologie comme à l’histoire

  1. Voy., les Dissertations de l’abbé Lebeuf, t. II, p. 38.
  2. L’an dernier, lors de son séjour à Liège, nous parlâmes de notre wallon à M. A. Jubinal, professeur de littérature étrangère à l’université de Monpellier et éditeur des Poésies de Rutebeuf, de fabliaux, dits, mystères, etc., d’une foule de jongleurs et de trouvères. Ce savant antiquaire nous a développé, sans la connaître, l’opinion de Lebeuf, et cela à la vue et à la lecture de notre idiome.