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Page:Ferland - Entre deux rives, 1920.djvu/40

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ENTRE DEUX RIVES

À St-Georges, les ruines du village et les tranchées sont noyées dans la blancheur laiteuse. Au nord du Canal, à Nieuwendamme, l’impression est plus saisissante encore ; les ombres se meuvent comme dans une inondation qui cherche à les engloutir.

Partout des obus à éclatement sec annoncent le gaz perdide ; on tousse, on crache, et bientôt le masque protecteur a recouvert les visages, et ce travestissement des hommes courant tous au combat où ils vont faire parler leur âme, leur haine, et leurs armes, a quelque chose de tragique dans le clair obscur du matin. La lueur des explosions jette toujours ses points violents au milieu d’un bruit d’enfer.

Des fusées diverses montent vers le ciel comme une prière. Mais c’est un ordre, car aussitôt la foudre éclate vers l’arrière, et vient tripler, quintupler le vacarme autour de nous.

Braves artilleurs ! Leur aide rapide donne chaud au cœur : ils vont largement faciliter notre tâche !

Le jour levé semble vouloir nous éclairer en ami dans la lutte qu’il va falloir livrer. Les balles sifflent, les grenades claquent, l’ennemi s’est avancé à la faveur de son tir et a pris possession des trous d’obus formant une ligne abandonnée volontairement.