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— Hélas ! c’est malgré moi que je fis ce voyage :
Si tu savois mon sort je te ferois pitié,
Lui répondit le saule, et la mélancolie
A détruit mes attraits, me fait sécher sur pié.
Eh ! celui qu’on arrache aux soins de l’amitié
Pourroit-il conserver la vie ?



FABLE CXLII.

LES DEUX AMIS DE SOCIÉTÉ, L’UN EN SANTÉ, L’AUTRE MALADE.


Bon jour, mon cher Damon, comment va ta santé ?
J’en suis d’honneur inquiet, tourmenté.
T’embrasser eût été ma principale affaire,
Sans des engagemens de fêtes, de repas,
Qu’on n’ose refuser ; on a peur de déplaire
À ceux dont la maison nous offre mille appas,
Et qui de nous paroissent faire cas.
Que n’es-tu comme moi ! c’est ton esprit sauvage
Qui cause tous tes maux ; tu fus toujours trop sage ;
Si tu m’en avois cru tu te porterois mieux.
Je te l’ai dit cent fois, bon vin et bonne chère
Chassent l’humeur atrabilaire,
Regarde-moi, je suis toujours frais et joyeux.
Que dit ton médecin ? — de mon état fâcheux
Je crois souvent qu’il désespère.
— Je n’y vois rien, mon cher, de dangereux.
Tout médecin adroit sur nos maux exagère.
Si le malade entre ses mains périt,
Sa mort à son avis étoit inévitable :