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FABLE XXXI.

LA VACHE ET LE LOUP.


Une vache, sur son retour,
Se plaignoit du mauvais pacage
Où des maîtres ingrats la mettoient chaque jour.
Un loup la voit, l’entend, et, contre son usage,
Il prend pitié de son malheur :
Je suis vraiment, dit-il, touché de ta maigreur ;
Viens dans nos bois, auprès de nos tanières ;
L’herbe fine y croît à plaisir.
Tu pourras dans ces lieux paître tout à loisir ;
Car ils sont défendus par moi, par mes confrères.
Oh ! dans peu tu rengraisseras ;
Qui plus est, tu rajeuniras
Dans un aussi bon pâturage ;
Et je veux que toujours on t’en laisse jouir :
Au conseil que demain nos loups doivent tenir,
J’ouvrirai cet avis ; et je passe pour sage.
La vache répliqua : Je crois de bonne foi
 Que votre discours est sincère ;
D’ailleurs, en supposant quelque danger pour moi,
Lorsque j’aurois repris l’embonpoint nécessaire,
Je crains trop peu la mort pour en sentir l’effroi ;
À l’âge où me voilà, terminer ma carrière
Ne feroit, dans le fond, qu’abréger ma misère.
Mais que j’aille vivre avec vous !
Moi, finir mes jours chez des loups !
M’en préservent les dieux ! je verrois à toute heure
Brebis, agneaux, se débattre et périr
Si j’habitois près de votre demeure,