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Enfin les grades importans
Deviennent bientôt son partage ;
Car c’est partout un avantage
De savoir amuser les gens.
Pénétré de reconnoissance,
Le singe composoit l’éloge de son roi.
De ses loisirs, hélas ! c’étoit le doux emploi.
Aux chapitres : Bon cœur, justice, bienfaisance,
Quand de sa majesté nouveau bien lui venoit,
Il ajoutoit, il ajoutoit :
Mais chez les grands de chaque empire,
Qui peut amuser aujourd’hui,
Bientôt, dit-on, inspirera l’ennui.
Heureux qui sait cela seulement par ouï-dire !
De cabrioles dégoûté,
Le roi ne vit plus que grimaces
Dans ce favori si vanté
Pour son esprit et pour ses grâces.
Le vieux despote enfin tour à tour le privoit
D’un titre, d’un honneur, d’un poste de finance ;
Des chapitres cités : Justice, bienfaisance,
De cet éloge écrit avec tant d’éloquence,
Le singe en même temps retranchoit, retranchoit,
Un ours peu courtisan qui le regardoit faire,
Et, pendant sa faveur, l’engageoit à se taire,
Lui dit : Mon cher, on a grand tort
De célébrer un maître, et si vîte et si fort,
Retenez donc ma maxime chérie :
Servons-le bien pendant sa vie,
Ne le louons qu’après sa mort.