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portait le dernier coup à l’édifice du monde catholico-féodal qui, sans son intervention, se serait, plus tôt ou plus tard, écroulé de lui-même. Elle a été l’exécuteur des lois de l’histoire, et c’est pour cela qu’elle a réussi. (Assentiment général. — Applaudissements.)

Dans son œuvre politique, au contraire, elle a échoué. La Constitution qu’elle a faite n’a pas vécu et cette grande assemblée, qui avait pu mettre au monde une société, n’a pas su faire vivre une Constitution. Pourquoi ? C’est parce qu’elle avait méconnu les conditions essentielles d’un gouvernement dans un pays comme la France, essentiellement homogène et condamné, par sa situation au centre de l’Europe, à une vigilance, à une unité d’action, à une concentration de forces toujours présente et toujours active. (C’est cela ! très bien ! — Vifs applaudissements.)

Elle avait oublié cela, peut être volontairement. Elle avait constitué, superposé les uns aux autres des pouvoirs élus, couvrant comme d’un réseau toute l’étendue du territoire, mais sans liens sérieux entre eux, sans dépendance réelle du pouvoir central. Ce n’était pas là un type de gouvernement, c’était un modèle de l’anarchie. Aussi quand, deux ans plus tard, la Convention nationale fut dans la nécessité d’agir et de se défendre, elle mit sous la remise tous ces pouvoirs électifs superposés et y substitua la centralisation la plus puissante, la plus formidable dictature que l’histoire de France ait jamais connue.