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II
PRÉFACE

heureuse dans la jouissance des mystères d’un amour surnaturel. J’ai eu l’insolence de dégager des nuages du passé et de ramener à la lumière le vrai christianisme renié et recrépi par les chrétiens modernes, mais non pas dans l’intention louable et sensée de le poser comme le nec plus ultra du cœur et de l’esprit humain, non ! dans l’intention contraire, dans l’intention aussi folle que diabolique de le réduire à un principe plus général et plus élevé ; et cette insolence impie m’a voué, comme cela devait être, aux malédictions des chrétiens d’aujourd’hui et surtout des théologiens. J’ai frappé la philosophie spéculative à l’endroit le plus sensible, pour ainsi dire dans son point d’honneur, en détruisant impitoyablement sa bonne harmonie avec la religion, en montrant que, pour mettre la religion d’accord avec ses idées, elle l’avait dépouillée de son contenu véritable, essentiel, et du même coup la philosophie qui se dit positive[1] s’est trouvée placée sous un jour fatal, car il a été démontré que l’original de son idole n’est pas autre chose que l’homme, et que la personnalité est impossible sans la chair et le sang. Ce n’est pas tout encore ; l’explication tout à fait impolitique, mais malheureusement nécessaire au point de vue de la raison et de la morale, que j’ai donnée de l’essence obscure de la religion, m’a attiré la défaveur des politiques, et non seulement des politiques qui font de la religion l’instrument le plus politique d'es-

  1. Philosophie de Schelling.