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VIII
PRÉFACE

sens et surtout des yeux ; je fonde mes pensées sur les matériaux que nous nous approprions par la perception sensible ; je fais provenir la pensée de l’objet et non l’objet de la pensée, et il n’y a d’objet que ce qui est en dehors de notre cerveau. Je ne suis idéaliste que sur le terrain de la philosophie pratique, c’est-à—dire je ne fais pas des bornes du présent et du passé les bornes de l’humanité et de l’avenir ; je crois, au contraire, d’une manière inébranlable, que bien des choses qui, aujourd’hui, passent pour des fantaisies, des idées irréalisables, de pures chimères aux yeux des praticiens à courte vue, brilleront demain dans la pleine réalité ! Demain, c’est-à—dire dans un siècle, car un siècle pour l’homme est un jour dans la vie de l’humanité. L’idée, en un mot, n’est pour moi que la foi à l’avenir historique ; la foi au triomphe de la vérité et de la vertu, n’a pour moi qu’une importance morale et politique ; mais sur le terrain de la philosophie théorique, c’est le réalisme, le matérialisme, dans le sens que j’ai donné plus haut, qui doit remplacer la philosophie hégélienne, la philosophie spéculative en général, dont les procédés sont tout contraires. Le principe de cette philosophie : Je porte avec moi tout ce qui m’appartient, l’ancien Omnia mecum porto, je ne puis malheureusement pas me l’appliquer. Bien des choses existent en dehors de moi que je ne puis mettre ni dans ma poche ni dans ma tête, et qui m’appartiennent cependant, non comme homme, mais comme philosophe. Je ne suis qu’un naturaliste spirituel ; mais le naturaliste ne peut rien sans