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IX
PRÉFACE

instruments matériels. C’est donc comme naturaliste que j’ai écrit ces pages qui ne contiennent rien qu’un principe, — démontré et justifié d’ailleurs par son application à un objet particulier et en même temps d’une importance générale, la religion ; — le principe d’une philosophie nouvelle essentiellement différente de celle du passé, entièrement d’accord avec l’essence de l’homme vrai, réel, complet, et par cela même en contradiction directe avec les idées des hommes estropiés et corrompus par la religion et la spéculation surnaturelles et surhumaines ; d’une philosophie qui ne prend pas la plume d’oie pour le seul organe révélateur de la vérité, mais qui a des yeux et des oreilles, des mains et des pieds, qui ne confond pas la pensée de la chose avec la chose elle-même, pour réduire ainsi l’existence réelle à une existence de papier, mais qui les sépare l’une et l’autre, et par cette séparation arrive à la chose elle-même qu’elle ne reconnaît pour vraie et réelle que lorsque, au lieu d’être l’objet de la raison pure, elle est l’objet de l’homme tout entier ; d’une philosophie qui parle une langue humaine et non pas une langue sans nom et sans réalité, qui ne trouve vraie que la philosophie faite homme, devenue chair et sang, et qui, enfin, fait consister son triomphe suprême, précisément à ne pas paraître philosophie aux yeux louches de toutes ces lourdes têtes qui prennent l’apparence de la philosophie pour la philosophie véritable.

Un spécimen de cette philosophie, qui n’a pour principe ni la substance de Spinoza, ni le moi de Kant et de