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PRÉFACE

Fichte, ni l’absolue identité de Schelling, ni l’esprit absolu de Hegel, en un mot, aucun être pensé et imaginaire, mais un être réel, même le plus réel de tous, c’est-à-dire l’homme, ce spécimen, on peut le voir dans cet écrit qui, tout en étant le résultat véritable, incarné de la phi1050phie passée, appartient si peu à la catégorie de la spéculation, qu’il en est au contraire l’opposé direct et qu’il la dissout pour ainsi dire. La spéculation fait dire à la religion ce qu’elle a elle-même pensé et exprimé beaucoup mieux ; elle en parle sans se laisser influencer par les idées religieuses, sans jamais sortir d’elle—même. Moi, au contraire, je laisse la religion s’exprimer et se dévoiler ; je l’écoute, je suis son interprète, et jamais son souffleur. Découvrir et non inventer, tel était mon but ; bien voir, le seul objet de mes efforts. Ce n’est pas moi, c’est la religion qui adore l’homme, bien qu’elle, ou plutôt la théologie, ne veuille pas l’avouer. Ce n’est pas mon infirmité, c’est la religion elle-même qui dit : Dieu est homme, l’homme Dieu. Ce n’est pas moi, c’est la religion qui se refuse à admettre un Dieu abstrait, un pur ens rationis ; et la preuve, c’est qu’elle le fait devenir homme, c’est qu’elle n’en fait l’objet de son adoration et de son culte que lorsqu’il a des pensées, des intentions et des sentiments semblables aux nôtres. Je n’ai fait que dévoiler le mystère du Christianisme, que le débarrasser des mailles innombrables du filet de mensonges, de contradictions et de mauvaise foi dont la théologie l’avait enveloppé, et par là j’ai commis, il est vrai, le plus grand sacrilège.