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essence du christianisme

s’affirmant en Dieu, ne fait que tourner autour de lui-même pour revenir toujours au même point, de même en s’éloignant de ce monde, il finit toujours par y retourner. Plus Dieu paraît à l’origine en dehors et au-dessus de l’homme, plus il se montre humain dans la conclusion. Plus la vie céleste semble d’abord surnaturelle, plus elle manifeste à la fin son identité avec la vie terrestre, identité qui s’étend jusqu’au corps, jusqu’à la chair. D’abord il s’agit de la distinction de l’âme et du corps, comme dans l’idée de Dieu de la distinction de l’espèce et de l’individu. Dans la mort spirituelle, le corps mort qui reste en arrière, c’est la personne ; l’âme qui s’en est séparée, c’est Dieu. Mais cette scission ne doit pas être éternelle. Toute séparation d’êtres qui s’appartiennent l’un à l’autre est une séparation douloureuse. L’âme regrette son compagnon perdu, le corps ; Dieu regrette la partie de lui-même qui le réalise, l’homme. De même que Dieu redevient homme, de même l’âme retourne dans son corps. Il est vrai que ce corps nouveau est lumineux, transparent, miraculeux ; mais, — et c’est là l’important, — c’est un corps autre et pourtant le même, comme Dieu est un être autre et pourtant le même que l’être humain. Nous voilà revenus au miracle, à l’identité des contradictoires. Le corps surnaturel est un corps de fantaisie, sans pesanteur aucune, purement subjectif. La foi à l’autre monde n’est que la foi à la vérité de la fantaisie, comme la foi à Dieu n’est que la foi à la vérité et à l’infinité des sentiments et de l’imagination de l’homme, ou bien, de même que la foi à Dieu n’est que la foi à l’être humain abstrait, de même la foi à