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essence du christianisme

es plongé dans de profondes réflexions, dans l’oubli de toi-même et du monde, diriges-tu la raison ou n’es-tu pas dirigé par elle et comme englouti ? L’enthousiasme scientifique n’est-il pas le plus beau triomphe que la raison remporte et fête sur toi ? Cette puissance du penchant à connaître, n’est-ce pas une puissance irrésistible, capable de tout dompter ? Et quand tu réprimes une passion, te défais d’une habitude, en un mot quand tu remportés une victoire sur toi-même, cette force victorieuse, est-ce ta force personnelle, ou n’est-ce pas plutôt l’énergie du caractère, la force de la moralité qui s’empare de toi avec violence et te remplit d’indignation contre toi et tes faiblesses individuelles[1] ?

Sans objet l’homme n’est rien. Les hommes grands, exemplaires, ceux qui nous révèlent l’essence de l’humanité ont confirmé cette assertion par leur vie. Ils n’avaient qu’une passion fondamentale, dominante, la réalisation du but essentiel de leur activité. Mais lorsqu’un sujet, l’homme, par exemple, est lié à un objet

  1. Que cette distinction entre l’individu et l’amour, la raison, la volonté, soit fondée ou non dans la nature, c’est tout à fait indifférent pour le but de cet écrit La religion sépare les forces et les qualités de l’homme lui-même et les divinise comme des êtres indépendants, sans s’inquiéter si elle fait de chacune d’elles un être, comme dans le polythéisme, ou si elle les réunit toutes dans un seul, comme dans le monothéisme Pour expliquer et ramener à l’homme tous ces êtres divins nous sommes donc obligés de faire cette distinction : elle a d’ailleurs son fondement dans le langage, ou, ce qui est tout un, dans la logique. Car l’homme se distingue lui-même de son esprit, de son cerveau, de son cœur, comme si sans eux il était quelque chose. (Note du traducteur.)