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Page:Feuerbach - Essence du Christianisme, 1864.pdf/37

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essence du christianisme

par des rapports nécessaires, essentiels, cet objet est la révélation, la manifestation de l’être même du sujet. S’il est commun à plusieurs individus de même espèce, mais de qualités différentes, il manifeste et révèle leur nature au moins par la manière dont il est l’objet de chacun d’eux.

Ainsi le soleil est l’objet commun des planètes ; mais il ne l’est pas pour la terre de la même manière que pour Mercure, Saturne, Uranus. Chaque planète a pour ainsi dire son propre soleil. Le soleil, en tant qu’il échauffe Uranus, n’a pour nous aucune existence physique, il n’en a qu’une astronomique et scientifique. Non-seulement il paraît autre, mais encore il est tout autre pour Uranus que pour nous. Le rapport de la terre avec le soleil est en même temps un rapport de la terre avec elle-même, avec sa propre nature ; car la mesure de la grandeur et de la force de la lumière sous laquelle le soleil se révèle à la terre est aussi la mesure de l’éloignement qui forme la nature propre de la terre. Chaque planète a par conséquent dans son soleil un miroir de son propre être.

Ainsi, par les objets, l’homme acquiert la conscience de lui-même ; par eux on le reconnaît, en eux se réflète sa nature ; et ici il ne s’agit pas seulement des objets de la pensée, mais encore de ceux qui tombent sous les sens. Les choses les plus éloignées de l’homme donnent sur son essence des révélations en tant que et parce que elles sont l’objet de sa pensée. La lune, le soleil, les étoiles lui crient : « Γνῶθι σεαυτόν ». Connais-toi toi-même. La faculté qu’il a de les voir et la manière dont il les voit rendent témoignage de sa propre nature. L’animal n’est sensible qu’au rayon de lumière