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essence du christianisme

d’exister. La qualité est le feu, l’oxygène, le sel de l’existence. Une existence en général, une existence sans qualités est aussi sans goût, sans attraits, et comme il n’y a en Dieu que ce qui se trouve dans la religion, ce n’est que là où la religion n’a plus d’attraits pour l’homme que l’existence de Dieu devient une existence insipide et indifférente.

On peut encore nier les attributs de Dieu d’une manière moins directe que celle que nous venons de décrire. On avoue que ces attributs ne conviennent pas à Dieu, qu’ils sont ceux d’un être fini, borné, principalement de l’homme, mais on ne veut pas qu’ils soient rejetés, on les protège même sous prétexte qu’il est nécessaire à l’homme de se faire de Dieu des idées déterminées, et que l’homme étant homme et rien de plus, il lui est impossible de se faire de l’être suprême d’autres idées que des idées humaines. Par rapport à Dieu, dit-on, ces déterminations sont sans importance ; mais pour nous, puisque pour nous il doit exister, il ne peut pas nous apparaître autrement qu’il ne nous apparaît, c’est-à-dire autrement que comme un être humain. Cette distinction entre ce que Dieu est en soi et ce qu’il est pour nous détruit la paix de la religion et est d’ailleurs une distinction sans fondement. Nous ne pouvons savoir si Dieu est en soi ou pour soi autrement que pour nous. Son être tout entier repose sur les attributs qui nous le font concevoir ; en cherchant à les dépasser nous voulons nous mettre au-dessus de nous-mêmes, au-dessus de la mesure absolue de notre propre nature. Une distinction entre un objet tel qu’il est en soi et ce même objet tel qu’il est pour nous, nous ne pouvons la faire que là où il nous est possible