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essence du christianisme

de le voir autrement que nous le voyons, mais non là où nous le voyons comme nous devons le voir d’après la mesure, la portée absolue de notre espèce ; dans ce cas, en effet, la conception que nous avons de l’objet est une conception absolue, parce que la mesure de l’espèce est la mesure, la loi et le critérium de l’homme. Mais la religion a précisément la conviction que les idées et les déterminations de Dieu telles qu’elle les conçoit doivent être celles de tout homme qui aime la vérité, parce qu’elles sont nécessairement celles de la nature humaine et entièrement d’accord avec la nature divine. Pour chaque religion les dieux des autres religions ne sont que des représentations de Dieu, mais l’idée qu’elle a elle-même de Dieu, c’est Dieu tel qu’il est en soi, le seul vrai, le seul existant. Chaque religion veut Dieu lui-même, Dieu en personne, elle se détruit elle-même, elle n’est plus une vérité dès qu’elle renonce à la possession de la divinité véritable. La distinction entre un objet et l’idée qu’on s’en fait, entre Dieu en soi et Dieu tel qu’il est pour nous est une distinction sceptique, et comme le scepticisme est l’ennemi juré de la religion, c’est une distinction impie.

Ainsi là où il est entré dans la conscience de l’homme que les attributs divins ne sont que des anthropomorphismes, c’est-à-dire que des produits de l’imagination humaine, là le doute et l’incrédulité se sont emparés de la foi, et il n’y a que l’inconséquence de la lâcheté du cœur et de la faiblesse de l’esprit qui n’ose pas aller jusqu’à la négation des attributs, et de cette seconde négation jusqu’à celle de l’être qui leur sert de fondement. Les attributs que tu donnes à Dieu sont-ils des anthropomorphismes, leur sujet doit en être un aussi :