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essence du christianisme

science de tout ce qui est bon et heureux est liée en toi à la conscience de ton existence. Dieu pour toi existe par la même raison pour laquelle il est bon et heureux. La seule différence entre les qualités divines et l’être divin, la voici : l’être, l’existence ne te semble pas un anthropomorphisme parce que dans ce fait que tu es est fondée pour toi la nécessité que Dieu soit ; les qualités, au contraire, te paraissent anthropomorphisme, parce que leur nécessité, la nécessité que Dieu soit sage, bon, juste, etc., n’est pas une nécessité immédiate comme celle de l’existence, mais un produit de l’activité de ta pensée. Sage ou non, bon ou méchant, tu n’en existes pas moins. Exister est pour l’homme la chose première, l’être fondamental nécessaire à son imagination pour qu’elle puisse lui imposer des attributs. Aussi ces attributs, même en Dieu, il peut les nier, les rejeter, tandis que l’existence de ce Dieu est pour lui une vérité absolue et inattaquable. C’est encore une illusion. La nécessité du sujet repose sur la nécessité de l’attribut ; tu n’es un être que parce que tu es un être humain ; la certitude et la réalité de ton existence dépendent de la certitude et de la réalité de tes qualités humaines. L’attribut est la vérité du sujet ; le sujet n’est que l’attribut personnifié, existant. La négation de l’un est donc la négation de l’autre. Même dans le langage ordinaire on se sert des qualités divines, la providence, la sagesse, la toute-puissance pour exprimer l’être divin. La certitude de l’existence de Dieu, dont on a dit qu’elle était aussi grande, même plus grande pour l’homme que celle de la sienne propre, dépend par conséquent de la certitude des attributs de Dieu. Pour le chrétien il n’y a que l’existence d’un Dieu