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essence du christianisme

il y a de facultés dans l’espèce humaine. La même force qui est dans tous est aussi dans chacun, mais déterminée et circonscrite, de telle sorte qu’elle paraît une force nouvelle, une force propre à chaque homme.

Le mystère de l’abondance inépuisable des attributs divins n’est, par conséquent, que le mystère de l’essence de l’homme, en tant que susceptible d’une infinité de déterminations diverses, et par cela même sensibles. Car ce n’est que dans le monde des sens, dans le temps et dans l’espace que peut exister un être véritablement infini, infiniment riche en qualités différentes. Cet homme que voici est un bon musicien, un écrivain distingué, un médecin habile, mais il ne peut tout à la fois faire de la musique, écrire et guérir. Ce n’est pas la dialectique de Hegel, c’est le temps qui est le moyen de réunir des contrastes, des contradictions dans un seul et même être. Liée à l’idée de Dieu, distinguée et séparée de l’essence de l’homme, la pluralité infinie d’attributs divers est un produit de l’imagination, une pure fantaisie ; c’est une représentation de la nature sensible, sans les conditions essentielles, sans la vérité de cette nature ; une représentation qui est en contradiction directe avec l’être abstrait, simple, unique, car les attributs de Dieu sont d’une nature telle qu’avec l’un d’eux on a immédiatement tous les autres, parce qu’il n’y a entre eux aucune différence réelle. En effet, pourquoi cet attribut est-il un attribut de Dieu ! parce qu’il n’exprime aucun manque, aucune limitation. Pourquoi d’autres attributs sont-ils aussi divins ? Parce que, quelle que soit la différence qui les distingue, ils s’accordent tous à exprimer la perfection, l’infinité. Je puis, par conséquent, me figurer une infinité d’attri-