Page:Feuerbach - Essence du Christianisme, 1864.pdf/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
essence du christianisme

être qu’elle est véritablement chez elle, parce qu’ainsi le plus haut degré de la pensée et de l’abstraction est atteint, et que nous sentons nous un vide, un mécontentement tant que nous ne sommes pas arrivés à la plus haute réalisation d’une faculté, tant que nous n’avons pas porté à sa plus grande perfection la capacité innée en nous pour telle ou telle science ou pour tel ou tel art ; car la plus grande perfection d’un art est seule réellement art, le plus haut degré de la pensée est seul pensée, raison. À parler rigoureusement, tu ne penses véritablement que lorsque tu penses Dieu ; car Dieu seul est la force de la pensée réalisée, accomplie, épuisée. En pensant Dieu, tu penses la raison telle qu’elle est en réalité, bien que par l’imagination tu te représentes l’être divin comme différent de celui de l’intelligence. Accoutumé dans le monde des sens à distinguer l’objet réel de l’idée que tu t’en fais, tu suis cette habitude même dans la contemplation de l’Être suprême et, par contradiction avec toi-même, tu rends à cet être abstrait, accessible à la pensée seule, l’existence extérieure dont tu avais fait abstraction pour le connaître.

Dieu en tant qu’être métaphysique n’est que l’intelligence satisfaite en soi, ou plutôt la raison se pensant comme être absolu, c’est le Dieu métaphysique. Par conséquent, tous les attributs métaphysiques de Dieu sont des attributs réels, si on les reconnaît comme appartenant à l’intelligence ou à la raison.

La raison est l’être originel, primitif ; elle fait dériver toutes choses de Dieu comme de la cause première ; elle trouve que, sans une cause intelligente, le monde est livré aux caprices du hasard, c’est-à-dire elle ne