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essence du christianisme

gence, et son indépendance de la matière. Dans l’infinité de l’être divin tu ne fais que rendre sensible l’infinité de la raison, tu ne fais que déclarer ceci : La raison est l’être suprême.

La raison est l’être indépendant, maître de soi. Est esclave et dépendant tout ce qui n’a pas d’intelligence. Un homme sans intelligence est aussi un homme sans volonté. Qui n’a pas d’intelligence se laisse séduire, éblouir, employer comme instrument. Comment pourrait-il être libre dans ses actions, par sa volonté, celui qui dans sa pensée n’est qu’un instrument d’autrui ? Celui-là seul qui pense est libre. Ce n’est que par son intelligence que l’homme abaisse les êtres en dehors de lui au rang de simples moyens de son existence. Il n’y a d’indépendant que ce qui est à soi-même objet, à soi-même son propre but. Être sans intelligence, c’est être pour d’autres, être objet ; être intelligent, c’est être pour soi, être sujet. Ce qui n’est que pour soi rejette toute dépendance d’un autre être. Nous dépendons bien, même lorsque nous pensons, des êtres extérieurs ; mais dans l’activité de la pensée comme telle nous sommes libres, car l’activité de la pensée n’agit que sur la pensée. « Quand je pense, dit Kant, j’ai la conscience que c’est moi qui pense et non pas un autre être ; je conclus que cette pensée en moi n’est pas inhérente à autre chose en dehors de moi, qu’elle n’appartient qu’à moi seul, que par conséquent je suis substance, c’est-à-dire que j’existe par moi-même et ne suis point l’attribut d’un autre être. » Quoique l’air soit un besoin pour nous, cependant, comme physiciens, d’un objet de besoin nous en faisons l’objet de l’activité désintéressée de la pensée ; il devient pour nous une