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essence du christianisme

chose purement et simplement. Il n’y a de dépendant que ce qui est l’objet d’un être autre que soi. Ainsi la plante dépend de l’air et de la lumière, elle est un objet pour la lumière et l’air et non pour elle-même ; mais réciproquement la lumière et l’air deviennent objet pour la plante, et la vie physique consiste dans ce changement continuel qui fait qu’un même être devient tour à tour sujet et objet, but et moyen. La raison seule est l’être qui se sert et jouit de toutes choses sans que rien puisse jouir d’elle ; c’est l’être satisfait, rassasie de lui-même, le sujet absolu qui ne peut être, abaissé au rang d’objet ou de moyen pour un autre être parce que lui-même fait de tous les objets, de tous les êtres, des attributs de sa propre nature ; c’est l’être qui comprend en lui toute chose, parce que lui-même n’est point une chose, parce qu’il est libre, en dehors de tout.

L’unité de la raison est l’unité de Dieu. La raison a nécessairement conscience de son unité et de son universalité, c’est-à-dire ce qui pour la raison est conforme à la raison est aussi pour elle une loi générale, absolue. Il lui est impossible de penser que ce qui est faux, en contradiction avec soi-même, puisse être vrai quelque part, et réciproquement que ce qui est vrai, raisonnable, puisse quelque part être déraisonnable et faux. « Il peut bien y avoir, dit Malebranche, des êtres intelligents qui ne me ressemblent pas, et pourtant je suis certain qu’il n’y a pas d’être intelligent qui reconnaisse d’autres lois et d’autres vérités que moi ; car chaque esprit voit nécessairement que deux et deux font quatre et que l’on doit préférer son ami à son chien. » Je n’ai pas la moindre idée, je n’ai pas le