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essence du christianisme

à soi-même son propre objet, son propre but, c’est l’être suprême ; ce qui est maître de soi est tout-puissant.



IV

DIEU EN TANT QU’ÊTRE MORAL OU LOI

Dieu en tant que Dieu, c’est-à-dire l’être infini, universel, pur de tout anthropomorphisme, n’a pas plus d’importance pour la religion que n’en a pour une science particulière un principe général qui lui sert de point de départ. La conscience de la limitation et du néant de l’homme provenant de la conscience de l’infinité de l’être divin n’est point du tout une conscience religieuse ; elle indique au contraire le sceptique, le matérialiste, le panthéiste. La religion est aussi peu sérieuse lorsqu’elle parle de notre néant que lorsqu’elle parle de cet être abstrait dont la comparaison avec nous nous fait sentir ce néant ; elle ne s’attache réellement qu’aux attributs, aux qualités qui révèlent l’homme à l’homme ; nier l’homme, c’est nier la religion.

Il est bien dans l’intérêt de la religion que l’être qui est son objet soit différent de l’homme, mais il est encore plus dans son intérêt que cet être soit un être humain. Car si dans son essence il n’avait rien de commun avec la nature humaine, comment l’homme pourrait-il s’inquiéter s’il existe ou non ? comment l’homme