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PRÉFACE

moules sont créés l’un pour l’autre et se réjouissent de leur accord : Asinus asinum fricat. Bien des critiques supposent que parmi leurs lecteurs les trois quarts au moins prennent leurs paroles pour articles de foi. Dans ces conditions, il fait beau mentir, et la foule parasite des faiseurs de phrases n’a pas à craindre de voir son ignorance démasquée. C’est cette difficulté pour le vrai d’être connu, à cause de la paresse et du peu de loisir du grand nombre, qui devrait préserver les gens de bien de trop de laisser-aller dans leurs jugements. Il ne suffit pas de dire soi-même ce qu’on pense, il faut encore ne pas faire dire aux autres ce qui ne leur est jamais entré dans le cerveau. Sans cela, les hommes les meilleurs du monde, quoique d’accord au fond sur les choses principales, se méconnaîtront au point d’être ennemis jurés. Que M. Taillandier se figure que ce qu’il pense des autres est leur portrait bien réussi, je n’y vois pas grande importance : ceux qui le lisent penseront toujours comme lui, quoi qu’il arrive. Mais devons-nous en dire autant de M. Scherer ? Il s’adresse, je crois, à des lecteurs qui ne sont pas précisément abonnés à leurs opinions, et il doit supposer qu’ils aimeront à se rendre compte de ses paroles. Pourquoi donc a-t-il fait preuve, dans son appréciation de Feuerbach, d’une négligence impardonnable ? Il est impossible de pousser plus loin que lui la légèreté ou la malveillance.

« L’ouvrage de Feuerbach, dit-il, a développé la philosophie spéculative, mais en la corrompant. Il l’a