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LA RELIGION

tout entière. Tels sont, par exemple, la douleur, le mal et l’infortune. Quand par la vicissitude des choses je passe de l’abondance et du superflu de tous les biens à une extrême misère, cette destruction de mon bonheur passé est quelque chose de réel, ma pauvreté présente est un état complètement opposé à mon état d’autrefois. Mais ce qui détruit l’existence, se détruit et se nie en même temps, nie et détruit ce en quoi, pour quoi et par quoi son existence serait possible. La mort prouve donc son propre néant par l’anéantissement de tout ce qui est réel ; elle est l’affirmation la plus complète de la réalité absolue de l’existence et de la vie.

La vie serait limitée ? la mort la preuve de cette limitation ? Une chose n’est limitée que par une autre. Tout être a dans ce qui le limite une révélation de sa vraie nature. Ainsi l’enfant cesse d’être enfant dès que l’homme commence en lui. L’homme accompli, parfait ; telle est la limite de sa nature d’enfant ; mais quand il cesse d’être enfant pour devenir homme il ne change pas pour cela de nature. Les choses ne sont limitées que parce que ce qui fait leur limite est par rapport à elles infini, contient la réalité à un degré beaucoup plus élevé. Si la mort était une limite positive de la vie, elle devrait être par conséquent plus que la vie même ; mais comme elle n’est rien et que la vie par cette prétendue limitation cesse d’être, devient rien, il s’ensuit que l’on peut dire de la vie qu’elle est infinie, de même que l’on dit d’une chose qu’elle est une et indivisible lorsque par la division elle cesse d’exister. Bien que la vie n’ait sa manifestation, son expression la plus élevée que dans la sensation et la conscience, elle révèle néanmoins son infinie réalité dans ses de-