Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vérité de l’astronomie moderne, et qui dépouille les étoiles de leur nature céleste, dépouille en même temps l’homme de son essence et de sa vie immortelles.

L’idée de l’avenir céleste, dans le sens que nous venons de développer, et qui est le seul vrai, n’est à sa place véritable, n’est nécessaire et justifiée, que là où l’homme est borné et se sent borné par un étroit espace et par un temps déterminé. Dès que le cercle embrassé par ses regards est devenu plus vaste, il met à la place de la vie future la vie même d’ici-bas avec le souvenir du passé, et l’espérance de l’avenir historique, et à la place de l’autre monde le reste du monde réel inconnu jusqu’alors pour lui. L’autre monde n’est vraiment réalisé que par la civilisation. La civilisation fait disparaître les limites imposées, par le temps et l’espace, nous élève au-dessus du présent, nous transporte dans les temps les plus éloignés, nous rend capables de vivre en arrière les milliers d’années qui étaient pour nous l’absence de toute action, de tout savoir et de toute existence, et nous permet de connaître d’avance par analogie les. siècles, futurs dans lesquels nous ne vivrons plus ; de même elle met la lumière, non-seulement dans notre esprit mais encore sur nos têtes, dans l’azur du ciel, en diminuant la formation des pluies par la destruction des marais et des forêts ; en un mot, elle anéantit tout défaut, toute limitation de notre séjour ici-bas, limitation qui appelait en nous le désir d’un séjour meilleur, et elle réalise ainsi les vœux et les fantaisies d’une existence différente et plus belle. Il est vrai que l’homme peut toujours désirer plus qu’il ne possède, et se figurer les choses bien plus belles qu’elles ne sont ; aussi rêve-t-il encore aujourd’hui d’une autre vie dans