Aller au contenu

Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XXVI
PRÉFACE

trées où ses rayons obliques colorent à peine une épaisse atmosphère. Les nuances ne sont que des reflets dont la vivacité est en raison directe de la force, en raison inverse de la distance de la cause qui les produit. Les gens dont l’esprit ne peut se dégager du doute ont une espèce d’aversion pour la rigueur de la forme scientifique ; ils croient être plus libres parce qu’ils ne sont pas gênés par leurs convictions, mais, en définitive, il n’y a dans leurs paroles qu’un écho affaibli de la vérité, et ils ne font que nous donner une édition expurgée des œuvres du génie, que verser leur eau insipide dans son vin généreux. Si l’on peut comparer les œuvres de l’écrivain vigoureux et agressif comme Feuerbach à une peinture de Rubens, celles de M. Renan, sur le même sujet, sont un lavis à l’encre de Chine. Pour éviter les tons éclatants, les couleurs tranchées, il nous plonge dans un brouillard où l’on ne voit plus ni dessin ni couleur. Il a beau prétendre que la roideur du caractère est un obstacle à la connaissance de la vérité et ne permet pas d’être libre ; si la liberté consiste dans notre délivrance de ce qui n’est pas nous, il ne la possède pas encore, car mille liens l’attachent au passé ; il ressemble à cet homme primitif qu’un peintre nous montre enfoncé jusqu’à mi-corps dans la terre, sa mère, et qui s’efforce péniblement de se dégager vers le ciel.

Si mon sujet me le permettait, je traiterais avec plus de développement cette question des nuances maintenant à l’ordre du jour, car j’avoue qu’il y a dans la manière