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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

cru devoir se servir pour assurer l’effet des peines ; voilà une nation qui est vraiment maître en matière de malédictions (Phil. rel., II, 86). »

« Quel immense contraste existe entre le judaïsme et l’hellénisme ! Chez les Hellènes nous voyons avec admiration et plaisir, que tout ce qu’il y a dans l’homme concret s’y trouve représenté comme quelque chose divine, essentielle (substantielle), et l’homme est présent dans la divinité avec tous ses rapports humains, avec toutes ses qualités humaines, bref, avec tout ce qui a de la valeur pour lui. L’homme, dit un philosophe de l’antiquité classique, a su faire ses dieux de ses passions et de ses affections, c’est-à-dire de ses puissances intellectuelles et morales (Phil. rel., II, 92). » « Ainsi, chez les Hellènes dans l’adoration des dieux, l’individu se reconnaît lui-même, il est pour ainsi dire chez soi ; non comme dans le mosaïsme, semblable à un serviteur ayant ses intentions égoïstes, mais d’après son universalité : les dieux helléniques sont le vrai pathos, la vraie essence humanitaire de l’homme spirituel et moral, bref, l’humanité. L’Hellène reconnaît donc ses divinités nationales, non comme de simples abstractions au-delà de toute réalité, mais comme la vraie et essentielle substantialité, concrète et vivante, de l’homme. De là vient que les puissances divines sont pleines de grâce de douceur pour l’homme, elles habitent dans l’intérieur de son âme et l’homme en les réalisant sait qu’il se manifeste par là lui-même. La réalité qu’il donne ainsi à ces divinités, c’est la sienne. La brise rafraîchissante de la liberté souffle par le monde hellénique tout entier ; la liberté, voilà le fondement du caractère et de l’organisme national de ce peuple (II, 128). » « Il y a chez lui la religion de l’humanité, l’humanisme ; rien qui n’y soit intelligible, clair, précis ; les divinités sont connues, elles ne cachent rien de mystérieux dans leur intérieur. La confiance que l’homme hellénique a en ses dieux, est la confiance qu’il met en lui-même (Phil. rel., II, 127). »

Hegel a beaucoup de sympathie pour la nation des Hellènes : « Le grand roi de l’Asie avec tous ses innombrables peuples marcha contre la petite ville d’Athènes mais l’énergie morale triompha de cette masse brute et colossale, qui ne put résister à la force supérieure de l’esprit. Voyez là, messieurs, des victoires d’une valeur historique pour le genre humain tout entier (celles de Marathon, Salamine, Platée) ; ces victoires ont maintenu la civili-