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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

point un sens religieux ; on l’appelle un sacrement, mais ce n’est là qu’une façon de parler. Le mariage réel et non mystique n’est point un principe religieux, un modèle religieux chez les chrétiens ; chez les Hellènes, au contraire, Zeus et Héré étaient le grand type du mariage (Creuzer, La Symbolique) ; chez les anciens Parses le mariage était une augmentation de l’empire de la lumière et une diminution de l’empire arimanique, par conséquent une action religieuse, d’après le Zendavesta. Chez les Indous, le fils est son père né pour la deuxième fois (Fr. Schlegel) et personne ne peut devenir sanyassi, ermite pénitent, s’il n’a pas rempli trois obligations, entre autres celle d’avoir engendré un fils légitime ; les anciens et vrais catholiques, au contraire, ne trouvaient pas assez d’éloges pour deux fiancés qui, avant d’entrer dans la chambre nuptiale, se séparaient corporellement et immolaient l’amour conjugal à l’amour religieux. Il faut toujours observer l’homme quand il parle de son ciel ; vous reconnaîtrez alors infailliblement les intentions les plus secrètes de son cœur et le degré de civilisation de son intelligence ; dans la vie vulgaire il n’est pas franc, il a peur, il est impressionné par mille objets, il simule et dissimule, il s’accommode : — là-haut, il est sorti de son incognito terrestre, il parle comme il pense. Son cœur est là où son ciel ; le ciel c’est son cœur ouvert. « Erunt similes angelorum : ergo homines esse non desinent, ut apostolus sit apostolus, et Maria Maria, » dit Jérôme à la veuve Théodore ; mais ce n’est qu’une fantasmagorie de plus ; la figure mâle, la figure féminine dans le ciel ne prouve que l’absence de toute différence sexuelle réelle ; dans le ciel il y aura donc un sexe non sexuel. Que c’est logique, et que cela fait honneur à l’entendement théologique !

[1] Le système romain du christianisme a été, depuis le commencement, de tenir le prétendu juste-milieu entre deux ou plusieurs systèmes. Il a réussi, par le concours de beaucoup de causes géographiques, politiques, juridiques, littéraires et autres, à devenir secte dominante ou Église, et à écraser toutes ses rivales en les qualifiant d’hérésies. Mais souvent, sinon la plupart, ce prétendu juste-milieu n’était qu’une apparence, qu’un sophisme ; ainsi, par exemple, le point de vue sur lequel l’Église s’est placée dans la dicussion manichéenne, ne diffère pas au fond de celui de cette

  1. Cette intercalation est de la plume du traducteur.