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CARACTÈRES ET PORTRAITS.

Doués de la même énergie de caractère, le père et le fils ont eu à lutter, l’un contre des inimitiés formidables et aveugles dans leur excès, l’autre contre les accidents de la fortune, la gêne et tous les embarras d’une vie aventureuse. De là, comme on l’a remarqué, une sorte d’intérêt dramatique dans le récit de cette double carrière également agitée, et surtout un degré d’importance qui élève presque ces biographies à la hauteur de l’histoire.

Robert Estienne fut en France ce que le premier Alde Manuce avait été au delà des monts : encore l’emporta-t-il de beaucoup sur lui par les qualités du littérateur et du savant. Avec Robert commença véritablement parmi nous une ère nouvelle de la typographie. À ces mécaniciens patients et industrieux qui avaient perfectionné l’invention de Gutenberg en se bornant à la partie matérielle, on vit succéder dès lors une génération d’artistes plus relevés, habiles à plus d’un titre, érudits et philologues, versés dans les langues anciennes et orientales, amis des lettres et capables d’écrire, entre lesquels on peut signaler les Gourmont, les Morel, les Vascosan, les Pâtisson : heureuse révolution dont le souvenir se lie étroitement à celui de la famille des Estienne.

Peu auparavant l’Italie, découvrant l’antiquité classique au fond des retraites qui l’avaient protégée, lui avait rendu par l’impression une seconde et désormais impérissable existence. Cet exemple excita dans Robert un esprit de rivalité qui anima toute sa carrière. Il voulut que la France cessât d’être, pour les chefs-d’œu-