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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

Marie de Gournay, car « la sainte Vierge daigna l’honorer de son nom, » n’était encore qu’une enfant, et, suivant son expression, elle florissait à l’ombre de tendres soins, lorsque sa mère devint veuve. Celle-ci s’appelait Jeanne de Hacqueville. Des vers consacrés à sa mémoire célèbrent la chasteté de cette dame, « que Diane avait élevée dans son temple. » C’était une vocation manquée, que devait réaliser sa fille. De bonne noblesse comme son mari, sœur d’un président au grand conseil, et comptant d’autres proches dans les hautes fonctions de la robe, Jeanne de Hacqueville avait eu, nous venons de l’indiquer, un assez beau patrimoine. Mais laissée avec six enfants en bas âge, elle fut appauvrie par les frais d’une maison onéreuse, surtout par les discordes et les guerres qui épuisaient la substance du pays. Dans les luttes sans cesse renaissantes des protestants et des catholiques, le faible était alors également pillé et ruiné par les soldats indisciplinés des deux partis. Pour s’abriter contre leurs déprédations, madame de Gournay s’était retirée en Picardie, dans la petite ville qui portait son nom, et qui, peu distante de Compiègne, n’est plus guère qu’un bourg aujourd’hui. Là se passa la première jeunesse de sa fille aînée, dont l’âge mûr devait voir des jours plus calmes et plus prospères.

Un penchant spontané ou plutôt une véritable passion innée entraînait mademoiselle de Gournay vers l’étude, la localité, comme on le présume aisément, n’offrant que de minces ressources pour le développement des esprits. À la pénurie des maîtres se joignait