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MADEMOISELLE DE GOURNAY.

plaisanter sur elle, « à cause de son latin et de sa mauvaise fortune ; » il voulait qu’elle fréquentât sa cour, quoiqu’elle y eût peu d’inclination. En outre, elle avait entretenu longtemps une correspondance active avec tout ce qu’il y avait de personnes distinguées non-seulement en France, mais à l’étranger. Dans son cabinet l’on trouva parmi ses papiers des lettres de Richelieu, du cardinal Bentivoglio, de saint François de Sales, de mademoiselle de Schurmann, « le prodige de la Hollande[1], » de Balzac, etc. Il nous est toutefois resté fort peu de ses lettres. L’une d’elles, qui est adressée à Henri Du Puy[2], renferme de curieux renseignements. On y lit, entre autres détails, qu’elle s’efforce de favoriser l’écoulement, un peu lent à son gré, de sa première édition des Essais, dont le prix était de vingt-huit sous : on y apprend aussi que sa demeure était à Paris, rue de l’Arbre-Sec, devant l’église Saint-Germain-l’Auxerrois. Plusieurs écrivains, de style un peu arriéré comme elle, Adrien de Valois, le prieur Ogier, Malleville, Gui Patin, Ménage et Guillaume Colletet lui consacrèrent, suivant le vieil usage, des épitaphes en vers latins et français. Ce dernier, par un hommage dont elle eût sans doute été peu flattée, établissait

  1. Cette académicienne d’Utrecht écrivait en français, en latin, en grec, en hébreu, etc, et dans sa thèse qui a pour objet d’établir « que l’étude des lettres ne messied pas à une femme chrétienne, » mademoiselle de Gournay était citée et alléguée comme exemple. On trouve aussi dans le recueil de ses œuvres des vers qu’elle a composés en son honneur :
    Ipsæ, Gornacense decus, tua signa sequemur…
  2. Savant de l’époque : en latin, Puteanus. Elle est du 16 mai 1627.