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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/167

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Édouard, étourdiment. — Mais il ne compte pas le mari… Est-ce que ça compte, un mari ?

Charançon. — Mais C’est évident, à qui le dites-vous ? Tenez, moi, est-ce que vous croyez que j’ai jamais compté… ?

Édouard, vivement. — Oh ! vous, si.

Charançon. — Non ! je dis : est-ce que vous croyez que j’ai jamais compté avec un mari… ? Ah ! bien… !

Édouard. — Ah ! bon… c’est vous qui… non… je comprenais…

Charançon. — Quoi ?

Édouard. — Rien.

Charançon. — Non, mais alors vous croyez que… (L’entraînant sur le canapé.) Tenez ! Asseyez-vous donc ! Asseyez-vous donc ! — Vous croyez que si je faisais des avances…

Édouard, assis. — D’argent ? oui, certainement !

Charançon, assis. — Ah ! mon cher : c’est quelle m’impose un respect ! Ainsi, si je lui disais : "Chère madame, vous seriez on ne peut plus aimable !…"

Édouard, riant. — Oh ! oh !… ce n’est pas ça du tout : il faut lui dire : "Eh bien, mon gros poulot, viens-tu souper avec moi ?…"

Charançon, naïvement scandalisé. — Oh !

Édouard. — Et vous ajouterez : "Surtout, ma petite, laisse ta mère à la maison."

Charançon, regardant Édouard avec admiration. — Ah ! cet Édouard ! Quel homme ! comme il connaît la vie !… Mais voilà ! la voir ! où ? Ici, impossible !

Il se lève et passe au 2.

Édouard, n° 1. — Mais à Paris : vous avez à chaque instant l’occasion d’y aller… comme avocat.

Il se lève.

Charançon. — C’est juste… je vous avouerai même que, plus d’une fois…

Édouard. — Je m’en doute : tenez, j’ai un petit entresol : 25, rue Saint-Roch ; le cas échéant, je le tiens à votre disposition.

Charançon. — Oh ! vous êtes un sauveur ! Mais est-ce qu’on me laissera entrer ?

Édouard, écrivant sur une de ses cartes. — Je vais vous donner un mot pour mon concierge, comme ça, si je n’y étais pas…

Charançon. — Oh ! mon cher ! ce n’est pas pressé… Pour cette fois nous souperons à mon hôtel, à l’hôtel du Congo.

Édouard. — Bah ! prenez toujours ! (Ecrivant.) "Veuillez tenir mon appartement à la disposition de maître Charançon."

Charançon. — Mais puisque je ne m’en servirai pas !

Édouard. — Eh bien ! vous vous en servirez une autre fois. (À part.) Je ne suis pas fâché qu’il ait des torts de son côté.

Scène VII

Les Mêmes, Samuel

Samuel, venant du fond, — Monsieur ! monsieur !

Charançon. — Quoi ?

Samuel. — J’étais à l’office en train de nettoyer les fourchettes quand j’ai vu arriver l’écuyère !…