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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/189

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Scène XIII

Gabrielle, puis Gratin, puis Charançon et Miranda, puis Édouard, puis Samuel, puis Caponot, puis Pinçon

Gabrielle, sortant de la chambre de gauche, très émue. — Quel peut être tout ce bruit ? Ah ! je ne tiens plus debout ! Et Édouard qui ne revient pas ! (Elle s’assied sur la chaise à gauche de la table, le dos tourné à la cuisine.) Ah ! si mon mari se doutait de tout ça ! Pauvre Charançon ! Il travaille pour le moment ! il pense à moi ! Ah ! je ne méritais pas un mari comme celui-là.

Gratin, venant de la Cuisine, une serviette à la main, il va jusqu’au buffet. Arrivé là, il aperçoit Gabrielle de dos, et dit à mi-voix. — Oh ! une dame ! (Il gagne la porte de la cuisine et toujours à mi-voix fait signe à Charançon.) Charançon !

Charançon, paraissant, un tablier de cuisine autour de la taille. — Oh ! c’est l’amie de Miranda. (Il fait signe à Gratin de ne pas faire de bruit et tout en riant il fait signe à Miranda de venir sans bruit et lui dit vivement tout bas.) C’est Eglantine.

Charançon et Miranda se prennent par le bras, et sans bruit, enchantés de la bonne farce qu’ils vont faire, ils se dirigent en dansant et suivis de Gratin vers Gabrielle, puis tous deux ensemble. — Coucou ! Ah ! la voilà !

Gabrielle, se retournant. — Mon mari !

Charançon, sautant en l’air. — Ma femme !

Gratin, faisant vivement passer Miranda à l’extrême droite et essayant de la dissimuler de son corps. — Oh ! (À Miranda.) C’est sa femme !

Édouard, paraissant au fond et voyant Gabrielle. — Elle !

Ahurissement général pendant lequel on reste sans rien dire. Charançon, qui a retiré vivement son tablier, le fourre tant bien que mal dans sa poche. — Après quoi, pour se donner une contenance, il frappe dans ses mains en essayant de prendre l’air dégagé.

Samuel, entrant de la cuisine en courant. — On a oublié le pain ! (Apercevant Gabrielle et s’arrêtant derrière la table.) Tiens ! madame !

Charançon, à Samuel. — Hum !

Gabrielle. — Samuel !

Samuel. — Comment, Madame est de la partie ?

Charançon, ne sachant comment le faire taire. — Hum ! Hum !

Samuel. — Mais alors, c’est une partie régulière ?

Charançon lui envoie son tablier à la tête. — Samuel sort par le fond.

Gabrielle, à Charançon. — Ah ! Ah ! Il paraît que vous ne vous attendiez pas à me voir. Vous l’entendez, monsieur !… Une partie !… Une partie régulière ! Elle ne devait donc pas l’être, régulière, la partie ?

Charançon. — Oh ! Gabrielle, voyons !

Gabrielle. — Allons donc ! Vous êtes ici en train de faire la fête avec des demoiselles.

Charançon. — Des demoiselles… Oh ! C’est Mme Gratin…

Gabrielle. — Le voilà donc votre procès !… ce procès qui vous appelait à Paris ! Un prétexte à fredaines !