Aller au contenu

Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vildamour, incompréhensible dans son bâillon. — Ah !… i…é… o-o-à ie ! (Ce qui signifie, autant qu’on peut savoir : « Ah ! oui, c’est commode à dire ! »)

Follbraguet. — Bougez pas, s’il vous plaît ! Ouvrez la bouche… Je ne vous fais pas de mal, je vous dis, je ne vous fais pas de mal.

Vildamour, geignant. — Ooon-on-on !

Follbraguet. — Mais non, mais non ; quand ça devra vous faire du mal, je vous préviendrai.

Vildamour, angoissé. — Oha !

Follbraguet. — Soyez tranquille !

Il s’arrête pour changer d’instrument.

Vildamour. — E en ! e ein o-ésses e ou ites a ! (Eh bien ! c’est plein de promesses ce que vous dites-là !)

Follbraguet, qui a pris un autre instrument. — Là !… Ouvrez la bouche !… bien !… attention !

Vildamour, pâlissant. — Oua ? (Quoi ?)

Follbraguet. — N’ayez pas peur… ça va vous faire un peu de mal…

Vildamour, inquiet. — Ah ?… (Brusquement.) Oh !…

Follbraguet. — Là !… je ne vous ai pas pris en traître ! Non, non, ne tournez pas la tête… oh !

Vildamour, épuisé. — A-en-ez !… a-en-ez un o-ment. (Attendez, attendez un moment.) Ah ! on eu ieu ! ah ! on eu ieu ! (Ah ! nom de dieu, ah ! nom de Dieu !)

Follbraguet. — Là, c’est plus rien ! c’est plus rien.

Vildamour. — Ah ! on eu ieu ! oun a ez à c e est, ous ! e é é ant on i ait on ou ille a é-elle ! an ! an ! a ou en an eu… é oi !… (Ah ! nom de Dieu, vous ne savez pas ce que c’est, vous ! C’est effrayant… on dirait qu’on vous vrille la cervelle. V’lan, v’lan ! ça vous prend au cœur… c’est horrible.)

Follbraguet, machinalement. — Oui, oui, monsieur, oui.

Vildamour. — Eun’ai a i a in-en-é e al e en, ai e-ni a é un ude ochon ! (Je ne sais pas qui a inventé le mal de dents, mais celui-là c’est un rude cochon) ai é a eu om a, i a eu ans une age e ents, ai ou ème cette oi à… (J’ai déjà eu, comme ça, il y a deux ans, une rage de dents, mais tout de même, cette fois-là.)

Follbraguet, approchant avec son instrument au bout de sa roue. — Là ! ouvrez la bouche.

Vildamour. — Oh ! en o a oue ! (Oh ! encore la roue !)

Follbraguet. — Un petit rien !… histoire de rire !… (Il opère.) Là ! je ne vous fais pas de mal.

Vildamour, avec conviction. — Hi ! (Si.)

Follbraguet. — C’est pour votre bien… là… là…, vous voyez, vous vous y faites ; ouvrez la bouche ! Si vous faisiez ça seulement huit jours de suite, vous ne pourriez plus vous en passer.

Vildamour, geignant. — Oon ! oon ! oon !

Follbraguet. — Non, non, c’est une idée. Là, c’est fini ! (Continuant tout de même.) C’est fini…

Vildamour. — Oon ! oon !

Follbraguet. — C’est fini, là !

Il s’arrête.

Vildamour, se levant. — Ah !

Follbraguet. — Attendez ! attendez ! je n’ai pas fini !