Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/226

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Mme Prévallon. — Parler de votre mariage avec ma fille…

Lucien, inquiet. — Hein ! le… hum ! pas si haut !…

Bretel. — Le mariage avec sa file.

Lucien. — Tenez, marraine, pour causer de ça, passons donc par là.

Mme Prévallon. — Pou-ourquoi ?

Lucien. — Il est inutile devant mon domestique… Entrez ! (il la fait entrer à gauche. À Bretel, une fois Mme Prévallon sortie.) Vous, allez vite trouver madame, lui dire qu’elle peut profiter de ce que nous sommes par là pour s’esquiver… Allez !

Bretel. — Oui.

Lucien. — Ah ! vous ajouterez qu’en vous parlant d’elle, j’avais des larmes dans la voix… que vous m’avez vu pleurer à la perspective de la quitter.

Bretel, étonné. — Pleurer ?

Voix de Mme Prévallon. — Eh… Eh bien, Lu-cien !

Lucien. — Voilà, marraine… (chantant sur l’air de "En revenant de la Revue".)


"Gais et contents
Nous marchions triomphants…"

Il sort.

Scène XVIII

Bretel, Dora

Bretel. — Ca est tout de même une drôle de façon de pleurer pour une fois. (ouvrant la porte de droite) Madame !

Dora. — Quoi ?

Bretel. — Ca est Monsieur qui m’a dit de te dire, savez-vous, que si tu voulais t’esquiver, qu’il a dit, tu pouvais à c’t’heure.

Dora. — Merci ! je me sauve… et c’est tout ce qu’il a dit ?

Bretel. — Ah ! si ! Tu lui diras, qu’y disait, que j’ai des larmes dans la voix et que je suis occupé à pleurer…

Dora. — Vraiment ? Pauvre garçon !

Bretel. — Oui. Et il chantaie, sais-tu, madame, il chantaie… (l’imitant) : "Gais et contents, nous marchions triomphants"… Ca est bien triste, savez-vous !

Dora. — Oui ! C’est pour s’étourdir…

Bretel. — Voilà ! Mais pourquoi est-ce que tu nous quittes ?… T’as donc pas du plaisir, ici ?

Dora. — Mon ami, il faut savoir écouter sa raison…

Bretel. — Sa raison ?

Dora. — Votre maître a perdu toute sa fortune.

Bretel. — Hein ! Qu’est-ce que tu dis, madame, sa fortune ! Comment, tu crois aussi !… C’est pour la lettre qu’il a écrit tout à l’heure ? Ah ! elle est bonne !… ah ! elle est rigolo !

Dora. — Hein !

Bretel. — Comment, tu sais donc pas ? Mais ça est une craque, sais-tu !… Je peux te le dire à toi ; tu es de la maison, pour une fois… Monsieur Lucien te dit tout à toi, ça est une craque !… il est pas ruiné du tout !… Ah ! elle est bonne !… ah ! elle est bonne !

Il éclate de rire.