Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 5, 1948.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

y faisait du cent ; le châssis a fondu. Y s’est assis sur son derrière. On a ramassé de la bouillie.

Gabrielle. — Etienne ! Je ne veux plus que tu coures.

Etienne. — Andouille ! Je te l’avais dit : elle est impressionnable. Aie pas peur. Henry avait la cerise moi, j’ai le pot de vernis.

Jourdain. — T’as la berlue, oui ! Qu’on coure sur une Rudebeuf ou sur une Le Brison, à la bonne heure, on a encore des chances. T’espères pas qu’on va t’offrir ça dans le creux de la main ? Courir !

Etienne. — Oui, courir ! tu verras, je serai premier, on me portera en triomphe !

Gabrielle. — Oui, mon gosse. Et tu seras célèbre.

Etienne. — Et je toucherai deux cent mille balles !…

Madame Grosbois, du fond. — Etienne, j’ai besoin de vous à l’atelier.

Etienne. — J’y vais.

Jourdain. — Deux cent mille balles ! Et avec ça ?

Etienne. — Ça me suffit pour commencer.

Il sort.

Jourdain, haussant les épaules. — Courir !… Ils sont tous comme ça, l’espoir d’arriver d’un coup sans en fiche une secousse. S’il a jamais la bosse du travail, celui-là !

Gabrielle. — En attendant, il gagne plus que vous !

Jourdain. — En attendant, y finira mal.

Rudebeuf, entrant. — Tiens ! Elle était entrée de l’autre côté. Bonjour, mademoiselle.

Gabrielle. — Ah !

Jourdain.- C’est le client de la panne. (A Rudebeuf.)

Vous venez pour votre voiture ? Je vais appeler Madame Grosbois.

Rudebeuf. — Merci !

Jourdain (à Gabrielle). — Dites donc, y vous fait de l’œil !

Gabrielle. — Et comment !

Jourdain sort.

Scène IV

Rudebeuf, Gabrielle

Rudebeuf. — Vous ne me reconnaissez pas, mademoiselle ?

Gabrielle. — Si. N’est-ce pas vous qui êtes venu hier et qui m’avez acheté des lunettes ?

Rudebeuf. — Mon Dieu ! Il me semble…

Gabrielle. — Vous en êtes content ?

Rudebeuf. — Je suis furieux.

Gabrielle. — Voulez-vous une autre paire ?

Rudebeuf. — Ne vous payez pas ma tête. Je me moque des lunettes. Vous savez très bien pourquoi je suis furieux.

Gabrielle. — Non.

Rudebeuf. — J’ai voulu vous glisser un billet, vous avez eu l’air de ne rien voir.

Gabrielle. — Non, et puis, quoi ! Vous débarquez. Je vous vois hier pour la première fois !…

Rudebeuf. — Il y a huit jours que je passe devant votre magasin, et qu’à travers la vitrine, je vous regarde.

Gabrielle. — Ça vous amuse ?