Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 5, 1948.djvu/168

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Rudebeuf. — Je vous aime, voilà deux cents francs. Et vous n’avez qu’un mot à dire, qu’un signe à faire…

Gabrielle. — Et voici vingt-cinq francs que je vous dois. (Avec une légère révérence.) C’est pour avoir l’honneur de vous remercier. (Madame Grosbois entre.)

Rudebeuf interloqué. — Hein ?…

Gabrielle. — Voici ma tante.

Madame Grosbois. — Je vous demande pardon, mais les clients affluent ; c’est le mot, ils affluent. Mademoiselle Gabrielle, trois casquettes d’auto pour la princesse de Romorantin et un cache-poussière pour M. Pikins, le richissime Américain.

Gabrielle. — C’est vrai ?

Madame Grosbois. — Ah ! là, là !

Gabrielle. — Trois casquettes et un cache-poussière. Bien.

Elle sort.

Scène V

Rudebeuf, Madame Grosbois.

Madame Grosbois. — Vous m’avez excusée, monsieur. Mais quand on a un garage qui marche… (Rudebeuf se promène.) Vous avez l’air contrarié ?

Rudebeuf. — Non, non.

Madame Grosbois. — C’est au sujet de votre voiture ?

Rudebeuf. — Oui.

Madame Grosbois. — Ah ! Evidemment, quand on veut se servir de sa voiture et qu’il vous arrive une panne ! Justement, aujourd’hui, qu’il fait si beau !… Vous avez là une sacré panne, vous savez.

Rudebeuf. — Ah !

Madame Grosbois. — Vous avez une rude veine d’être tombé sur une maison comme la mienne. Tout autre garage vous aurait gardé votre voiture huit jours, et ça vous aurait coûté cinq cents francs !…

Rudebeuf. — Tandis que vous ?

Madame Grosbois. — En quarante-huit heures, on vous réparera votre voiture et ça ne vous coûtera que trois cent cinquante francs.

Rudebeuf. — Et quelle est la réparation ?

Madame Grosbois. — Le cône d’embrayage.

Rudebeuf. — Madame Grosbois, vous vous payez ma tête.

Madame Grosbois. — Comment ?

Rudebeuf. — C’est dans la famille, d’ailleurs.

Madame Grosbois. — Vous trouvez que trois cent cinquante francs ?…

Rudebeuf. — Je vous les donnerai. La question n’est pas là. Vous pourrez même, bien que ça me gêne un peu, garder la voiture quarante-huit heures.

Madame Grosbois. — Il faut au moins ça !

Rudebeuf. — A la condition qu’on n’y touche pas.

Madame Grosbois. — Hein ! pourquoi ?

Rudebeuf. — Parce qu’elle n’a rien du tout.

Madame Grosbois. — Eh bien ! Et votre panne ?

Rudebeuf. — Je n’ai jamais eu de panne.

Madame Grosbois. — Quoi ?

Rudebeuf. — C’était un prétexte, comme hier les lunettes, et comme