Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 6, 1948.djvu/259

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Mittwoch. — Mais ça, je ne veux pas ! ça, je ne permettrai pas !

Isidore. — Comment ?

Mittwoch. Je suis votre ami, moi, Raclure ! . Et s’il y a des sommes à vous avancer, c’est moi que je suis là pour le faire.

Isidore. — Monsieur ?

Paulette. — Il a raison, lui ! Mittwoch, qui est votre ami ! Pas de notaire, pas d’hommes d’affaires qui vous écorcheront.

Mittwoch. — Parbleu ! vous pensez bien que ça ne sera pas pour vos beaux yeux que…

Isidore. — Ah ! ah !

Paulette. — C’est que c’est vrai qu’il a de beaux yeux !

Mittwoch. — Ben, oui… ben oui ! il a des beaux yeux. N’empêche qu’on ne fait pas de l’argent avec ça ! Eh bien ! moi ! le temps naturellement de prendre mes renseignements et che mets cinq cent mille francs tout de suite, à votre disposition.

Isidore, bondissant. — Cinq cent mille francs !… en vrai ?

Mittwoch. — En vrai.

Isidore. — Ah ! nom de Dieu ! (A Paulette.) Oh pardon, madame.

Paulette. — Ça ne fait rien, allez ! Dans une circonstance pareille, on peut invoquer le nom du Seigneur.

Isidore. — Cinq cent mille francs ! Oh ! maman. (Bas.) Cinq cent mille francs !

Paulette. — Oui, c’est gentil ça !

Isidore. — Ah ! je crois, madame, que c’est gentil !

Mittwoch. — Naturellement ! aussi pour la bonne règle, je vous demanderai simplement une reconnaissance.

Isidore, vivement. — Ah ! ah ! ça…

Mittwoch. — De cinq cent cinquante mille francs, pour l’aléa ! Et pour le reste, l’intérêt légal : cinq pour cent ; che ne veux pas plus.

Isidore. — Mais je…

Mittwoch. — Parce que moi che suis pour la légalité ! che ne fais pas d’usure.

Isidore. — Oui, oui.

Mittwoch. — Quel est l’homme d’affaires qui vous fera ça dans ces conditions-là, sans crocodiles, sans lézards empaillés ?

Paulette - Vous voyez, hein, vous voyez ! comme il est désintéressé.

Mittwoch, vivement. — Et tenez, regardez ma confiance ! Tenez, j’ai six mille francs sur moi. Là, sans savoir, à mes risques, je vous les avance.

Isidore. — A moi ?

Mittwoch. — Tenez, les voilà !

Isidore. — Oh ! (Il compte les billets.)

Paulette. — Je crois que c’est d’un ami, ça ! (Vivement.) Vous n’êtes pas mal ?

Isidore, qui ne comprend pas. — Mal ! comment ?

Paulette. — Là, près de moi.

Isidore. — Oh ! non ! Madame non plus ?

Paulette. — Pouvez-vous le demander ! je suis à côté de vous.

Isidore, embarrassé. — Ah ! oui… et moi aussi.

Mittwoch. — Oh ! crapule de Raclure, va ! (Montrant les billets.) Toutes les fortunes à la fois ! les bonnes fortunes et… et les aussi bonnes fortunes.

Isidore, riant. — Oui !… oui !… (Il glisse les billets dans sa poche.)