Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 6, 1948.djvu/260

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Mittwoch. — Mon Dieu, cent millions ! mais qu’est-ce que vous allez faire de tout cet archent ?

Paulette. — Oui. Qu’est-ce que vous allez en faire ?

Isidore. — Je ne sais pas. Tout à l’heure j’ai bien vu une canne… chez un marchand de parapluies.

Mittwoch. — Une canne ?

Isidore. — Oui, avec un manche en argent qui faisait, comme ça, un porte-cigarettes.

Paulette. Oh ! ça devait être joli, vous avez de goût !

Isidore. Oui, évidemment ! Mais tout de même, soixante-dix francs, j’ai trouvé que c’était beaucoup d’argent.

Mittwoch. — Une canne ! une canne !… Je vous demande de vos millions ce que vous allez en faire ?

Isidore. — Ah ! ben, j’ignore, n’est-ce pas, jusqu’à présent. Mais j’y pense, monsieur qui s’y connaît voulait p’t'être bien…

Mittwoch. — Là, voilà ! voilà qui est parlé ! Vous verrez comment je saurai en tirer profit de votre argent.

Isidore. — Ah ! monsieur est bien bon ! Je remercie bien monsieur.

Mittwoch. — Mais comment ! Entre amis, voyons ! Ah ! je suis bien heureux pour vous.

Isidore. — Monsieur est bien bon, je remercie encore bien monsieur.

Mittwoch. — Nous sommes bien heureux, Raclure, n’est-ce pas, Paulette ?

Paulette, tristement. — Oui. (Il va se lever, Paulette l’en empêche.)

Mittwoch. — Quoi "oui" ? Tu as une façon de dire oui.

Paulette. — Eh ! c’est que, pour moi, c’est une joie qu’assombrit un regret.

Isidore. — Ah !

Paulette. — Riche maintenant, riche, vous ne pouvez plus rester domestique… (Sur un geste d’Isidore.) Non, non, je ne le veux pas. Alors, c’est le départ, c’est la séparation..

Isidore. — Oh ! mais madame peut être tranquille…

D’abord, je dois huit jours à madame et…

Paulette. — Qu’est-ce que huit jours ?

Mittwoch. — L’espace d’un matin.

Isidore. — De huit matins.

Paulette. — Dans huit jours vous partirez ! et alors ce sera le vide dans la maison ! Je ne verrai plus votre chère silhouette ici, là, balayant, nettoyant. C’était un rayon de soleil pour moi.

Isidore. — Ah !… vraiment ! je… eh bien ! je ne me serais jamais douté.

Paulette. — Non ?

Isidore - J’ai cru si longtemps que madame ne pouvait pas me sentir.

Paulette. — Oh ! oh ! comme vous êtes peu physionomiste.

Isidore. — Ce matin encore madame qui me disait : "Oh ! avoir toujours cette gueule d’idiot devant moi ! "

Paulette. — Mais parce que je cachais mon jeu ! Parce que j’essayais de me mentir à moi-même. Etant donné nos situations respectives, est-ce que je pouvais !…

Isidore. — Oui, oui !

Mittwoch. — Parbleu !

Paulette. — Cette gueule ! cette gueule ! mais rien que ça aurait dû vous éclairer.

Isidore. — Ah !

Paulette. — Est-ce que ce n’est pas un de ces petits mots d’amitié,