Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 6, 1948.djvu/68

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Champignol. — Si le jury de peinture me voyait !…

Grosbon, commandant. — Cessez !… (Courant à Champignol.) Vous n’entendez pas ce que je vous parle !

Champignol. — Ah ! Pardon, caporal ! Je ne comprenais pas !

Grosbon. — Comment, vous ne comprenez pas !… Il me semble que je parle français ! Qui qui m’a fichu un cosaque pareil ?

Champignol, à part. — Qui ! qui ! il appelle ça parler français !

Grosbon, à Badin. — Et puis, vous, là-bas, le civil… on ne manœuvre pas en gibus !… retirez votre gibus !…

Badin. — Bien ; Caporal….

Il retire son chapeau, et, ne sachant où le poser, le garde dans la main droite et manœuvre ainsi.

Grosbon. — Garde à vous ! Mouvement horizontal et latéral des bras sans flexion, avec flexion sur les extrémités inférieures ! Voici votre mouvement : un ! deux ! Commencez !

Champignol, tout en manœuvrant. — Dieu ! que c’est bête ! mon Dieu ! que c’est bête !

Les réservistes, manœuvrant. — Un ! deux !

Scène X

Les Mêmes, Chamel, Mauricette

Chamel, sortant de l’hôtel, suivi de Mauricette ; il a une ligne sur l’épaule, un panier de pêcheur en bandoulière. — Allons ! viens ! Mauricette !

Mauricette, descendant au n° 1. — Ah ! Papa !… Ils font l’exercice.

Singleton, apercevant Mauricette. — Ma femme !

Mauricette fait des signes à Singleton.

Mauricette. — Oh ! Papa ! comme il manœuvre mieux que les autres !…

Singleton, dans le rang, à part. — C’est embêtant de faire le singe devant sa femme !

Grosbon. — Cessez ! (Apercevant Mauricette.) Oh ! du beau sexe ! (Aux réservistes.) Allons ! tâchez moyen de bien manœuvrer ; il y a de la galerie.

Badin pose son chapeau à terre.

Mauricette, à Chamel. — Oh ! Papa ! j’ai envie de l’embrasser !

Chamel. — Ne fais pas ça, petite ! ce n’est pas le moment.

Grosbon, commandant. — Attention, là !… par le flanc gauche… gauche !… (Les réservistes font par le flanc gauche, à l’exception de Singleton qui fait par le flanc droit.) Front ! (Les réservistes se remettent de front ; face au public. Singleton fait front dans l’autre sens, et se trouve dos au public.) Tenez ! regardez-moi cet idiot, là-bas !

Mauricette et Chamel. — Hein !

Singleton se retourne et se replace, face au public.

Grosbon. — Vous ne savez donc pas où ce qu’elle est, votre gauche… hein ?… espèce de gourde !

Singleton, à part. — Il m’appelle gourde devant ma femme !

Mauricette. — Ah ! mais je ne veux pas qu’on parle comme ça à mon mari !