Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 7, 1948.djvu/253

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voyons donc ! sapristi de sapristi !… Allons, allons ! Allons, voyons donc ! Allons ! Voyons… allons, voyons !… Allons, allons !

Annette. — Ach Gott ! Gott !

Lucien. — Allons ! Un peu de courage, que diable ! tout espoir n’est peut-être pas perdu !

Yvonne, sanglotant et presque avec rage. — Mais qu’est-ce qui peut arriver de plus puisqu’elle est morte ?

Lucien. — Eh bien ! justement, là ! justement ! le plus terrible est passé ! Il faut se faire une raison, que diable ! se dire que pour ceux qui s’en vont c’est la délivrance !… Songe combien ta pauvre maman souffrait de ses rhumatismes !

Yvonne, avec des sanglots dans la voix. — Ma pauvre maman !

Lucien, d’une voix tristement câline. — Eh ben ! oui ! Eh ! ben, oui ! Eh ! bien, maintenant elle ne souffre plus ! et tandis que nous sommes là à la pleurer… (Avec un fonds de rancune.) debout ! elle repose, elle !… elle est bien heureuse !

Yvonne, avec un dodelinement triste de la tête. — Qu’est-ce qui aurait dit qu’elle s’en irait si vite !

Lucien, avec un soupir. — Ah ! oui !… Quand tout à l’heure je me demandais comment je paierais le tapissier, je ne me doutais pas !… enfin !

Yvonne, sanglotant. — Ma pauvre maman !

Lucien. — Ah ! oui… ta pauvre, brave, et digne et sainte femme de mère ! (À part.) Ce que j’ai mal aux reins ! (Tout en parlant, fatigué qu’il est de sa position, il s’est mis d’abord sur les genoux, puis cambre en arrière ses reins qui lui font mal, regarde à droite et à gauche s’il n’y a pas un siège à lui avancer, puis, sur un ton câlin.) Dis donc, mon Yvonne ?

Yvonne. — Quoi ?

Lucien. — Tu ne veux pas t’asseoir, ma chérie ?

Yvonne, brusquement avec éclat, ce qui fait sursauter Lucien. — Eh ! non quoi ! « m’asseoir ! m’asseoir ! » Quelle importance ça a-t-il que je sois sur une chaise ou par terre ?

Lucien, vivement. — Oui, oui ! Bon, bon ! (Il va s’asseoir sur la banquette.)

Yvonne, lyrique dans sa douleur. — Ah ! c’est sous terre que je voudrais être !

Annette, près de la cheminée, douloureusement, entre chair et cuir. — Oh ! ça vous grève le cœur !

Yvonne, qui depuis un moment, le corps rejeté un peu en arrière et appuyé sur les bras, les paumes des mains par terre, fait des grimaces de la bouche, comme quelqu’un qui a de l’empois sur la figure, le tout haché de sanglots. À Lucien. — Ah ! çà ?… (À Joseph.) Ah ! çà ?… mais qu’est-ce que vous m’avez mis sur la figure qui me colle ?

Lucien. — Rien, ma chérie ! c’est de l’éther.

Yvonne. — Quel éther ?

Joseph, indiquant la table de nuit. — … Qui était dans la bouteille.

Yvonne. — Mais c’est stupide ! c’est du sirop d’éther ! en voilà une idée.

Joseph et Lucien. — Du sirop !

Joseph, qui a tiré le flacon de sa poche, après avoir jeté un coup d’œil sur l’étiquette. — Oh ! J’avais pas lu l’étiquette ! Je m’étais contenté de sentir. (Il remet le flacon à Annette qui le pose sur la cheminée.)

Lucien. — Ah ! vous êtes malin, mon garçon ! vous êtes malin !

Yvonne, lyrique. — D’ailleurs que m’importe ! quand on a le… (Gri-