Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/166

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nsieur…

Eugène, présentant vivement et sur un ton qui appelle l’indulgence. — Monsieur Chauvel.

Chaflard. — Eh ! tant que vous voudrez ! Je ne permettrai pas…

Chauvel. — Rouspète pas, Chaflard, je t’aime comme ça !

Il lui prend la tête entre ses deux mains et l’embrasse sur les deux joues.

Chaflard, furieux. — Ah !… mais monsieur, à la fin !

Chauvel, lui repoussant la tête du plat de la main sur la bouche. — Bouche ça, t’es un daim ! (On rit. Apostrophant les assistants pendant qu’Eugène calme Chaflard.) Là, regarde-moi tous ces empiffrés qui se nourrissent de la sueur du peuple !

Tous. — Ah ! Chauvel !

Chauvel, redescend au milieu. — Les v’là, les espoirs de la France !…

Tous, le conspuant. — Oh !

Chauvel. — Les corrompus du XXe siècle, le Paris de la décadence !

Tous, le conspuant. — Oh !

Chauvel. — Vous croyez qu’ils s’amusent, et bien ! non, ils s’embêtent !

Tous, couvrant sa voix. Oh ! à la porte !

Mathilde, de sa place. — As-tu vu la ferme ?

On rit.

Chauvel. — Tais-toi ! eh ! pneumatique !…

Rires.

Mathilde. — Ah ! pneumatique ! qué que ça veut dire ?

Chauvel. — Ca veut dire que tu peux crever !… (Rire général. Applaudissements pendant qu’il va prendre le verre de Thomazier et le vide.) A ta santé, Chérubin !

Thomazier. — Ah ! Et pis quoi ! eh ! eh ! eh !

A ce moment, on entend, venant du bar, un bruit de dispute accompagné de vaisselle cassée.

Eugène, flairant une bataille. — Allons bon, qu’est-ce que c’est encore ? (Il s’élance vers le bar. Les consommateurs se regardent) Qu’est-ce que c’est ?… qu’est-ce qu’il y a ?… (Quelques-uns quittent leurs tables et descendent regarder du côté du bar, sans quitter la scène.)

Chaflard, se levant également et regardant. — Qu’est-ce que c’est ?… quoi ? une bataille ?

Chauvel, courant comme les autres. — Quelques vagues humanités qui se cognent.

D’autres consommateurs, quittant également leurs tables, ont grossi le groupe ; quelques-uns se détachent et, attirés par la dispute, se dirigent vers le bar. Arrive Belhomme qui en vient. Il est entouré par les curieux : Qu’est-ce que c’est ?… Qu’est-ce qu’il y a ?…"

Belhomme, très gai. — C’est un pochard qui a versé une coupe de champagne dans le cou de Carbonnot, ils se sont fichus des gifles.

Tous ceux qui s’étaient levés. Oh ! allons voir ! allons voir !

Ils sortent ainsi que Belhomme.

Chauvel, sortant le dernier. — Qu’est-ce que je disais ?… Vas-y, Chauvel, ta place est là…

Il suit les autres dans la direction du bar. Il reste peu de monde en scène. A la première rangée de