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tables, seuls Durant et Marjolet ; les femmes, curieuses, sont allées voir la dispute. Quelques consommateurs à la 2e rangée et au fond.

Motchepoff, toujours à sa place. — Eh ! bien, voyons, garçon !

Le Garçon. — Monsieur !

Motchepoff. — Mon addition !…

Prosper. — Voilà, monsieur.

Motchepoff. — Et voilà ! voilà !…Voilà donc une heure que vous dites "voilà " et elle n’arrive jamais !

Prosper. — On l’apporte, monsieur, on l’apporte !… (Appelant.) L’addition du 1.

Un Garçon. — L’addition du 1.

Scène II

Les Mêmes, Le Duc, suivi de Chandel

Le Duc, paraissant à la porte fond de la loggia, suivi de Chandel et descendant jusqu’à la 1re rangée de tables. — Venez, monsieur Pion, allons donc voir si Sa Majesté par hasard… (Voyant un garçon qui passe.) Garçon !

1er Garçon, sans s’arrêter. — Voilà. Monsieur, voilà !…

Chandel. — Mais, Excellence, est-ce que nous allons faire tous les restaurants de nuit. Je vous assure que c’est si peu dans mes habitudes.

Le Duc. — Eh ! bien, ça vous en fait sortir ! Il est bon de sortir quelquefois, ça fait prendre l’air.

Chandel. — Je ne vous dis pas, Excellence.

Le Duc, hélant un garçon qui passe. — Garçon ! (Le garçon passe sans répondre. Marjolet qui était resté à causer avec Durand je lève et se dirige vers le lavabo. Durand reste seul à sa table.) Puis enfin, votre proviseur ne vous a-t-il pas délégué pour seconder mes recherches ?…

Chandel. — Je ne vous dis pas, mais il faut partout absorber un tas de consommations !

Le Duc. — Nous ne pouvons cependant pas entrer dans les restaurants pour commander un cure-dents. Ca ne se fait pas. Par Dieu le père ! Ca n’est pas terrible de boire.

Chandel. — Mais je n’ai pas soif !

Le Duc. — Eh ! Bien, c’est la supériorité de l’homme sur l’animal de pouvoir boire quand il n’a pas soif.

Chandel. — Qu’est-ce que vous voulez, Excellence, c’est que je me rapproche de l’animal. Tout ce que je sais, c’est que ces mélanges !… tout ça me tourne !… me tourne !…

Le Duc. — Dans quel sens ?…

Chandel, le cœur sur les lèvres. — Comme ça.

Il imprime un mouvement tournant à sa main, à hauteur de ses yeux.

Le Duc. — Eh ! bien, faites quelques tours dans l’autre sens, ça rétablira l’équilibre. Garçon !

2e Garçon, sans s’arrêter. — Voilà, Monsieur, voilà !…

Le Duc. — Est-ce que vous croyez que je fais donc une fois ça pour mon