Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/169

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Motchepoff. — Je vous complimente. (Nouveau tour de Chandel, après quoi il disparaît.) Et vous avez apporté la Duchesse à Paris ?

Le Duc, tirant un porte-cigarettes de sa poche. — Oui, cela j’ai fait. (Il tend son porte-cigarettes à Motchepoff qui refuse, puis en prend une pour lui.) Mais la Duchesse si n’est pas avec moi à l’ambassade, du moins jusqu’à demain. J’ai pensé qu’elle serait une fois plus confortable en descendant au Palace, pendant que je m’occuperais d’aménager son appartement. Cette séparation lui était douloureuse, je comprends !… mais j’ai promis que je la salue demain, après midi.

Motchepoff. — Aha !

Le Duc, allumant une allumette au porte-allumettes qui est sur la table à sa gauche. — Et ce soir, pour la distraire, je l’ai envoyée avec quelques officiers de ma suite dans un théâtre de musique… (Il allume sa cigarette.) aux Folies-Bergère !

Motchepoff. — Oh ! très intéressant ! (Se levant.) Bien, donc vous présenterez mes hommages.

Le Duc. — Je ferai… mais… (Retenant Motchepoff dont il n’a pas lâché la main mais qui est passé à gauche.) Je suis ravi que je vous rencontre (le faisant, tout en parlant, asseoir sur la chaise qu’il occupait précédemment et s’asseyant sur celle où était Motchepoff.) Je devais justement vous demander une entrevue de la part de mon gouvernement au sujet du prochain mariage en question, pour notre jeune roi avec votre princesse héritière.

Motchepoff. — Ah ! oui ! oui ! et… vous pensez que ce mariage plairait à Sa Majesté ?…

Le Duc. — Ah ! ça, je ne saurais dire, mais je sais qu’il plaît à votre souverain, le Tzar, ce qui est le principal. C’est pourquoi je crois qu’il serait utile dans l’intérêt de nos deux pays…

Motchepoff. — Mais je ne demande pas mieux, donc, que d’en conférer avec vous, seulement… (Se levant.) c’est l’heure où tous les soirs quand je suis à Paris, je vais chez "la Chaufferette" Venez donc avec moi.

Le Duc, se levant. — Quelle est cette "Chaufferette" ?…

Motchepoff. — C’est une femme qu’on appelle Chaufferette… (Bien naïvement.) Je crois que c’est un surnom. Elle tient un bar, boulevard Malesherbes… très agréable. Venez donc, nous serons très bien chez la Chaufferette pour converser des affaires de l’État.

Le Duc, sans se faire prier. — Je vais donc !…

Chandel, qui est rentré en faisant un tour sur lui-même, voyant le Duc qui s’en va en compagnie de Motchepoff. — Je n’ai vu personne, Excellence.

Le Duc, qui. a passé au-dessus de Chandel, se retournant. — Ah ! Eh ! bien, pion, vous allez donc m’attendre ici ; vous ferez surveillance en prenant quelque chose au bar, je vous prie… Je reviendrai dans une heure moins trois quarts.

Chandel. — Dans un quart d’heure ?

Le Duc, le regard légèrement interloqué. — C’est la même chose. Si un inspecteur de police me demandait, vous lui diriez que je suis en conseil… chez la Chaufferette, n’est-il pas vrai ?

Marjolet revenant du lavabo regagne sa place.

Chandel. — J’ai entendu, Excellence !…

Le Duc. — Bien, allez donc boire, monsieur pion ! (A Motchepoff.) Venez, cher ! (Tout en partant.) Bonio popolskoir, raki nadieff titcheieff Kowali.

Motchepoff. — Etchim, moie, tchim ! slavo mawi la chaufferette, yougomeleff