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Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 8, 1948.djvu/208

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La Duchesse, avec un sourire indulgent. — A peu près.

Le Duc, apercevant Arnold. — Ah ! vous ! c’est pas dommage !

Arnold, venant de gauche et apportant l’uniforme du Duc, — Voici, Excellence.

La Duchesse, qui s’est retournée, se trouvant nez à nez avec Arnold. — Oh !

Arnold. — Oh !

La Duchesse, à part. — Le secrétaire de l’Ambassade !

Arnold, en laissant tomber d’ahurissement l’uniforme par terre. — Ma cocotte d’hier soir !

Le Duc, passant au 2. — Eh ! bien, quoi ?… Qu’est-ce que vous avez ?

Arnold. — Hein ?… Rien, rien.

Le Duc. — Est-ce que c’est une façon de flanquer mes affaires par terre ?

Arnold, ramassant les vêtements sans quitter la Duchesse des yeux et à part. — Mais qu’est-ce qu’elle fiche ici ?

Il continue à considérer la Duchesse avec ahurissement et, machinalement, pour se donner une contenance, il mouille sa main libre à sa langue, puis la passe sur le col de l’uniforme, la reporte à sa langue et ainsi de suite.

La Duchesse, à part. — Lui !… C’était à prévoir !

Le Duc, à Arnold, — Eh ! bien, quoi ? Quand vous lècherez mon uniforme !… Vous connaissez donc madame ?

Arnold. — Moi ? .. Euh !… Oui… non.

Le Duc. -. Enfin, quoi ? Vous connaissez la Duchesse ?

Il lui prend des mains son uniforme qu’il enfile.

Arnold. — Ah ! c’est la… ! Pas du tout !…

La Duchesse, respirant. — Ouf !

Arnold, à part. — Comment la Duchesse ?…

Le Duc. Ah ! vous avez l’air de venir de Kobolensk, vous !

Arnold. — De Kobo… ?

Le Duc. — C’est une bourgade de chez nous. On dit ça pour les abrutis.

Arnold. — Ah ?… Son Excellence m’honore.

Le Duc. — Allez donc faire mettre vos collègues en livrée, il est temps.

Arnold. — Oui ! Excellence !

La Duchesse, qui pendant ce qui précède a gagné la droite jusque près du bureau à part. — Ses collègues !… Ah ! çà ! pour qui le prend-il ?

Arnold, à part, remontant en passant devant le Duc. -Ma cocotte, Duchesse !… Qu’est-ce que ça veut dire ?…

Le Duc, le regardant partir comme on regarde un phénomène, puis redescendant vers la Duchesse. — Quelle chose que cet homme ?

La Duchesse, remontant un peu à lui. — Mais qui donc croyez-vous que c’est ?

Le Duc. — Comment, "qui je crois ? " C’est le maître d’hôtel que m’a prêté Stanislas Slovitchine.

La Duchesse. — Lui ? Lui ? Mais non, ce n’est pas le maître d’hôtel !

Le Duc, avec un recul. — Ce n’est pas le maître d’hôtel ?

La Duchesse. — Lui ?… Mais c’est notre premier secrétaire d’Ambassade, c’est monsieur Constantin Slovitchine.

Le Duc, bondissant. — Dites-vous ?